18-10-2021 · Statistiques stupéfiantes

Ces puces qui épuisent les ressources en eau de la planète

Le changement climatique couplé à la production exponentielle de puces et de plaquettes en silicium mettent en péril les ressources en eau et les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Que s’est-il passé ?

212 000 000 litres : c’est la quantité d’eau que TSMC1, un des premiers fabricants de puces au monde, consomme chaque jour, d’après son rapport 2020 sur la responsabilité sociale des entreprises. Un volume qui suffirait à satisfaire les besoins quotidiens de près de 1,5 million d’Européens ! Pourtant, c’est la quantité d’eau nécessaire pour fabriquer les micropuces de la taille d’un ongle qui équipent un grand nombre d’appareils partout autour de nous.

La fabrication des puces minuscules qui font fonctionner les milliards d’appareils électroniques que nous utilisons chaque jour requiert d’énormes quantités d’eau. L’empreinte hydrique d’une seule puce équipant un smartphone ou un ordinateur portable peut atteindre 30 litres. Ce chiffre est encore plus élevé pour les plaquettes en silicium (ou « wafers ») qui contiennent des centaines de micro-puces réparties en plusieurs couches. Pour chaque couche supplémentaire ajoutée à la plaquette, il faut graver chimiquement les circuits et les matériaux conducteurs, puis les nettoyer méticuleusement. Or ces deux processus réclament de grandes quantités d’eau ultra-purifiée.

Ces chiffres, aussi élevés soient-ils, vont sûrement encore augmenter, non seulement pour TSMC mais aussi pour l’ensemble du secteur des semi-conducteurs, à mesure que l’économie numérique prend de l’ampleur tant sur le plan sectoriel que géographique. Le graphique 1 montre comment, avec la densification et la sophistication des puces, le volume d’eau consommé pour fabriquer chaque couche d’une plaquette de semi-conducteurs de 200 mm s’est envolé au cours des dernières années.

Graphique 1 : Eau et plaquettes : une ascension vertigineuse

Graphique 1 : Eau et plaquettes : une ascension vertigineuse

Source : TSMC, Bloomberg Opinion.

À mesure que la production de puces s’accélère à l’échelle mondiale, les ressources en eau s’épuisent de façon alarmante

Pourquoi est-ce important ?

À mesure que la production de puces s’accélère à l’échelle mondiale, les ressources en eau s’épuisent de façon alarmante. Taïwan, siège de TSMC et un des premiers pays producteurs de semi-conducteurs, est régulièrement confronté à des sécheresses. La dernière a été tellement sévère que le gouvernement a demandé au début de l’année 2021 à TSMC et à d’autres grandes entreprises technologiques de réduire de 15 % leur consommation d’eau. Il a également fait savoir qu’il durcirait ces restrictions si les pénuries persistaient.

Pour maintenir les niveaux de production, TSMC a affrété des camions pour acheminer de l’eau douce en provenance d’autres régions du pays. Grâce à ces mesures palliatives extrêmes, l’entreprise a pu, du moins temporairement, éviter des problèmes de production. Mais la situation pourrait changer, car le réchauffement climatique ne cesse de perturber les systèmes météorologiques mondiaux, amplifiant ainsi la fréquence, la durée et l’étendue des sécheresses.

Taïwan n’est pas le seul pays à souffrir d’un manque d’eau. Le stress hydrique et les pénuries d’eau se transforment de plus en plus en une véritable crise mondiale de l’eau. Un demi-milliard de personnes vivent dans un état permanent de manque d’eau et la moitié de la population mondiale (3,9 milliards) subit chaque année un épisode de pénurie d’eau. La croissance démographique, l’industrialisation, la production d’énergie et le changement climatique sont autant de facteurs qui menacent les ressources en eau de la planète. Les Nations Unies estiment que, d’ici 2030, la demande mondiale en eau dépassera l’offre de 40 %.

TSMC n’est pas non plus un cas isolé parmi les fabricants de semi-conducteurs. Les technopôles sont souvent situés dans des régions sèches et arides, où les entreprises sont attirées par le faible taux d’humidité, les températures plus fraîches, les terrains bon marché et les subventions généreuses. Aux États-Unis, les états les plus prisés pour implanter des usines de production et des centres de données sont le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, la Californie et l’Oregon. Dans le reste du monde, l’implantation des usines de fabrication de puces et des technopôles suit la même logique : les sites se trouvent en Israël, dans le nord de la Chine et à Singapour, des régions qui sont toutes exposées à un stress hydrique élevé.

Qu'est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?

Dans un souci d’éviter toute interruption de leur approvisionnement en eau, de nombreux fabricants de puces disposant de liquidités abondantes, tels que TSMC et son rival nord-américain Intel2, construisent leurs propres structures de traitement des eaux usées. Ces mini-usines récupéreront, nettoieront et recycleront les effluents industriels afin de les réutiliser dans les processus de production et de refroidissement. TSMC inaugurera d’ici à la fin de l’année 2021 une usine de traitement des eaux ultramoderne à Tainan, une ville dans le sud-ouest du pays, et Intel a beaucoup investi dans des installations de traitement des eaux sur site pour ses centres de fabrication en Oregon, en Arizona et en Israël.

Cette stratégie nécessite des investissements dans des conduits, des vannes et des infrastructures lourdes, des technologies de filtration et de nettoyage de l’eau, mais aussi des systèmes d’analyse avancés permettant de tester la qualité de l’eau ainsi que de détecter et surveiller les micropolluants. Mais cet intérêt croissant pour les investissements en faveur de l’eau n’est pas l’apanage des fabricants de semi-conducteurs. Les niveaux de valorisation des actifs liés à l’eau sont en train de changer dans un grand nombre de secteurs, comme le métal, l’industrie minière, le textile, le bois, l’agriculture et l’automobile. L’eau est enfin reconnue comme une ressource de grande valeur et un facteur de production essentiel. Sans eau, la production industrielle et la croissance économique seraient impossibles.

Depuis plus de 20 ans, la stratégie de Robeco dans le domaine de l’eau consiste à investir dans des entreprises prometteuses qui offrent des solutions efficaces tout au long de la chaîne de valeur de l’eau. Les connaissances et l’expertise que nous avons acquises au fil des années aideront les investisseurs à garder le cap dans un monde où le changement climatique rend plus indispensables que jamais les investissements qui aident les entreprises, les villes et les communautés à consommer l’eau plus efficacement.

Notes de bas de page

1Ceci ne constitue aucune recommandation d'achat, de vente ou de conservation de titres particuliers.
2Ceci ne constitue aucune recommandation d'achat, de vente ou de conservation de titres particuliers.

Statistiques stupéfiantes

Chaque mois, nous examinons les statistiques les plus surprenantes en matière d'investissement thématique. Que signifient-elles ? Quel est l'impact pour les investisseurs ?

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