Si l’industrie nucléaire présente toujours des risques importants, avec en tête les accidents potentiels et le problème du stockage en toute sécurité des déchets radioactifs, son principal avantage - des émissions de carbone quasiment nulles - offre une solution pour réduire la dépendance aux énergies fossiles.
La dynamique de cette industrie est également en train de changer, car la technologie nucléaire évolue progressivement pour développer des systèmes de production d’électricité plus sûrs et des solutions plus efficaces pour gérer le combustible appauvri. Dans le même temps, il est de plus en plus urgent de s’attaquer au réchauffement planétaire potentiellement catastrophique causé par la combustion des énergies fossiles, et les risques de sécurité énergétique et de précarité énergétique augmentent, car les ménages ne peuvent plus faire face à la hausse des prix du gaz naturel.
Compte tenu de tous ces facteurs, Robeco a décidé de ne plus exclure les exploitants de centrales nucléaires de ses gammes de fonds Sustainability Focused et Impact Investing, où les portefeuilles sont soumis à des critères de durabilité plus strictes. Les exploitants de centrales nucléaires ont été admis au sein de la gamme de fonds Sustainability Inside dont les seuils en matière de durabilité sont plus bas. Robeco continuera d’appliquer cette politique.
Des restrictions subsistent
Même si les exclusions catégoriques ne sont plus appliquées, nous maintiendrons des restrictions lorsque nous évaluerons l’adéquation d’un exploitant de centrale nucléaire pour un portefeuille. Le cadre ODD propriétaire de Robeco qui porte sur les Objectifs de développement durable sera utilisé pour évaluer avec précision les risques.
La nouvelle politique coïncide avec une décision prise le 6 juillet par le Parlement européen, qui a accepté de classer l’énergie nucléaire et le gaz naturel parmi les énergies « vertes » dans la Taxonomie européenne, sous certaines conditions strictes. La Taxonomie européenne vise à normaliser les définitions de la durabilité dans le bloc des 27 États membres.
La position de l'Union européenne sur l’énergie nucléaire est semblable à celle de Robeco, car elle reconnaît son rôle crucial dans la transition énergétique. Cependant, compte tenu des risques liés à la sécurité nucléaire et aux déchets, Robeco considère l’énergie nucléaire comme une énergie « orange » plutôt que « verte », comme l’illustre le cadre ODD.
Jouer un rôle dans la neutralité carbone
« Dans n’importe quel scénario scientifique, l’énergie nucléaire participe à la transition énergétique, parce que, sans elle, la transition devient simplement beaucoup plus coûteuse », explique Lucian Peppelenbos, stratégiste climat chez Robeco.
« Outre les investissements massifs dans l’énergie renouvelable, nous devons également investir dans les technologies nucléaires de nouvelle génération pour garantir la puissance de base.
Nous sommes bien conscients des risques des technologies nucléaires. Mais il est intéressant de se pencher sur les statistiques des dernières décennies, car elles montrent que le nucléaire est l’une des technologies énergétiques les plus sûres, surtout par rapport à n’importe quelle énergie fossile. Cela inclut tous les décès survenus lors des catastrophes de Fukushima et de Tchernobyl. Du point de vue statistique, c’est une technologie relativement sûre, mais, bien entendu, c’est une technologie présentant des risques extrêmes très conséquents.
Donc, vous devez gérer ces risques avec la plus grande rigueur, en vous référant à un système reconnu géré par l’Agence internationale de l’énergie atomique qui fournit toute une série de normes et d’analyses. Nous estimons que nous pouvons nous appuyer sur ce système et que les pays qui obtiennent de bons scores en matière de sécurité nucléaire peuvent faire partie de l’univers d’investissement. »
Malgré les tragiques accidents très médiatisés de Tchernobyl et de Fukushima, l’énergie nucléaire est l’une des sources d’énergie affichant le taux de décès le plus faible, mais aussi le taux d’émissions le plus bas. Source : Our World in Data.
Que faire des déchets ?
Pour que l’énergie nucléaire joue un plus grand rôle dans la transition énergétique, il est indispensable de résoudre concrètement le problème des déchets. « Le monde a accumulé environ 250 000 tonnes de déchets hautement radioactifs qui nécessitent des solutions de stockage permanent », explique Lucian Peppelenbos.
« Le premier site de stockage permanent de ce type est en cours de construction en Finlande et entrera en service en 2025. Les déchets toxiques y seront enfouis profondément dans une roche de fond ultra stable. Il faudrait néanmoins surveiller les déchets stockés pendant une longue période avant de prouver de façon catégorique l’efficacité de cette solution.
D’autres pays comme la Suède, la France et le Royaume-Uni sont aussi en train de développer des installations de stockage permanent. Le développement technologique dans ce domaine est crucial. Dans notre cadre d’évaluation, nous vérifierons si les producteurs d’énergie nucléaire et les pays où ils sont établis ont des programmes concrets en matière de stockage permanent des déchets. »
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Évolution vers les technologies de nouvelle génération
Les technologies nucléaires de nouvelle génération ciblent la réduction maximale des déchets et l’amélioration de la sécurité. Il y a aussi la promesse à plus long terme d’une transition de la fission nucléaire, qui est le procédé employé depuis les années 1960 pour produire de l’électricité, vers la fusion nucléaire. La fission nucléaire scinde l’atome pour produire de l’énergie dans les centrales électriques, mais elle est également utilisée dans les armes nucléaires. La fusion nucléaire transforme un atome d’hydrogène en hélium pour produire de l’énergie – de la même façon que le soleil – et s’avère beaucoup plus sûre.
Prévision de la progression des réacteurs nucléaires durant les années 2020 et au-delà. Source : AIEA, Robeco
« L’un des faits importants à noter concernant la fission nucléaire est qu’elle est toujours la technologie utilisée aujourd’hui depuis la construction des premières centrales nucléaires dans les années 1960 », explique Lucian Peppelenbos. « De nouvelles technologies ont été développées et continueront de l’être.
Nous voulons que l’innovation technologique puisse contribuer concrètement aux futures solutions qui seront nécessaires. Et c’est pour cette raison que nous ne voulons pas l’exclure. »
Lancer l’alerte orange
Suite à la révision de la politique, la question se pose de savoir si l’énergie nucléaire est considérée dorénavant comme une énergie durable. Elle n’est pas totalement verte comme l’énergie éolienne ou solaire... mais elle n’est pas aussi néfaste que le pétrole ou le charbon.
« Nous disons que le nucléaire n’est pas nécessairement une énergie verte, mais ce n’est pas non plus nécessairement une énergie grise », indique Lucian Peppelenbos. « Elle se situe entre les deux, et donc certains la qualifient d’énergie orange. Mais comme l’industrie nucléaire ne génère quasiment aucune émission, elle a un rôle à jouer dans la transition vers la neutralité carbone. »
Robeco a signé le Net Zero Carbon Pledge par lequel la société s’engage à rendre tous ses actifs sous gestion neutres en carbone d’ici 2050, conformément aux accords internationaux. « Ceci nécessite parfois d’avoir une vision plus globale quand les priorités changent, tout en acceptant qu’il n’existe aucune solution parfaite en matière de durabilité », conclut Lucian Peppelenbos.
La lutte plus globale
« Somme toute, il est vital de comprendre la portée plus globale de la lutte contre le réchauffement climatique, dont les risques augmentent chaque jour, » explique Lucian Peppelenbos. « Ces dernières années, nous avons constaté les impacts et risques croissants du réchauffement climatique, et nous avons vu les scientifiques et les responsables politiques soutenir davantage l’énergie nucléaire.
Dans ce contexte, nous avons nuancé avec une note plus positive notre évaluation des opportunités et des risques de l’énergie nucléaire, en continuant toutefois à analyser de près les risques associés, mais nous n’appliquons plus d'exclusion. Une exclusion catégorique ne serait pas justifiée au vu de la situation climatique actuelle. »