La croissance des centres de données pour alimenter l’IA a stimulé la demande de cuivre destiné aux câbles, ainsi que celle des puces de silicium et des semi-conducteurs nécessaires à la fabrication des processeurs. Cette demande génère une croissance économique qui a fait défaut dans d’autres pans de l’industrie manufacturière traditionnelle.
Et des facteurs tels que l’utilisation des matières premières comme couverture contre l’inflation et la dynamique de l’offre et de la demande sur l’ensemble du marché font souffler un vent de renouveau printanier sur cette classe d’actifs habituellement volatile, déclare Peter van der Welle, stratégiste au sein de l’équipe Solutions multi-actifs durables de Robeco.
« Lors de la conférence technologique de NVIDIA le mois dernier, son PDG, Jensen Huang, a livré sa vision d’une nouvelle révolution industrielle », explique-t-il. « Si l’eau était la matière première indispensable à la production d’électricité lors de la première révolution industrielle, l’électricité est le moyen de produire des jetons de données dans les “ usines d’IA ”, comme les appelle Jensen Huang, pour la suite du 21e siècle.
L’adoption de l’IA se généralise et selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ces usines de données devraient afficher un taux de croissance annuel de 15 % au cours des années à venir. »
Passage aux câbles en cuivre
« Cette transition fera à son tour grimper la demande de cuivre. Afin d’atténuer le risque de pannes d’électricité, NVIDIA a récemment délaissé la fibre optique au profit de câbles en cuivre pour ses centres de données, car ils sont plus efficaces sur le plan énergétique, assurent un meilleur refroidissement et sont meilleur marché. »
La demande de cuivre a historiquement émané du secteur de la construction, qui a enregistré des signes de forte reprise ces derniers temps, notamment grâce aux subventions octroyées dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation et aux crédits d’impôt accordés pour l’implantation d’usines de véhicules électriques aux États-Unis.
« Au sein de l’équipe Multi-actifs durable, nous avons récemment renforcé notre exposition aux matières premières, la faisant passer à une surpondération, notamment aux métaux industriels comme le cuivre », explique Peter van der Welle. Il cite trois raisons à ce nouvel engouement pour les matières premières, dont l’IA n’est pas l’unique catalyseur.
Signes de reprise de l’industrie manufacturière
« Tout d’abord, le cycle manufacturier mondial est sorti de sa torpeur, les matières premières offrant désormais le meilleur potentiel de ratio risque/rendement dans une perspective multi-actifs », fait remarquer Peter van der Welle. « Contrairement aux actions, le cours des matières premières ne reflète pas le rétablissement complet de l’industrie manufacturière mondiale. Et les signes d’une reprise du cycle manufacturier mondial sont de plus en plus prometteurs. »
L’indice PMI (indice des directeurs d’achat) manufacturier mondial et l’indice américain ISM (Institute for Supply Management) ont tous deux dépassé la barre des 50 en février, ce qui marque le début d’une période d’expansion et la fin d’une récession industrielle mondiale de 16 mois. Les indicateurs avancés de la confiance des directeurs d’achat de l’industrie manufacturière, comme les exportations sud-coréennes de semi-conducteurs destinés à des applications d’IA, avaient déjà laissé entrevoir, à la mi-2023, l’atteinte d’ici peu d’un creux de l’activité manufacturière.
Ne pas mordre à l’hameçon
« Cela dit, alors que les marchés actions ont déjà intégré le scénario d’une “ absence d’atterrissage ” et misent sur le rétablissement complet de l’indice ISM manufacturier à 60, les marchés des matières premières n’ont pas mordu à l’hameçon », explique Peter van der Welle.
« Étant donné que les marchés des matières premières sont des marchés au comptant qui dépendent des fondamentaux au comptant, une reprise effective de la production industrielle confère aux matières premières un plus grand potentiel haussier que les actions en termes de performance. En revanche, si la reprise de l’industrie manufacturière ne s’avère qu’un pétard mouillé, le risque de baisse pour les matières premières semble plus limité. »
Peter van der Welle maintient que si la récession manufacturière a été exceptionnellement longue, elle ne s’est pas révélée très profonde, l’indice ISM n’étant jamais descendu sous la barre des 45 au cours des 16 derniers mois. Si l’on se fie aux 40 dernières années, un « léger » creux de l’ISM a généralement été suivi d’un rally de 20 % en moyenne des matières premières au cours de l’année suivante. Après le creux de novembre 2023, les matières premières n’ont progressé que de 5 % jusqu’à présent. En revanche, les actions mondiales font preuve de confiance et ont déjà enregistré une hausse de 20 % depuis lors.
L’avantage d’une stagnation de la désinflation
Deuxièmement, la perspective d’une stagnationde la désinflation soutient la demande de matières premières en tant que protection contre l’inflation qui afflige le monde depuis les deux dernières années. Les perspectives annuelles de Robeco pour 2024 appellent à la fin de la désinflation « immaculée », car, dans leur mission visant à ramener l’inflation de 3 % à 2 %, c’est souvent la dernière ligne droite qui s’avère la plus éprouvante pour les banques centrales.
Les signes sont favorables jusqu’à présent. « Depuis le début de l’année, l’inflation aux USA a surpris à la hausse. En effet, l’indice de surprise de l’inflation américaine de Citi évolue à nouveau en territoire positif et nous pensons que son agrégat G10 va prochainement lui emboîter le pas », déclare Peter van der Welle.
« La croissance du revenu disponible réel est restée supérieure de 1,5 % à la productivité du travail début 2024, ce qui pourrait enrayer le processus de désinflation aux États-Unis.
De plus, les conditions financières se sont assouplies, alors que la croissance monétaire a atteint son point le plus bas. Les surprises positives sur le front de l’inflation dans le G10 sont généralement corrélées avec une performance positive des matières premières. Les matières premières démontrent ainsi leur pouvoir de couverture contre l’inflation inattendue, alors que leur faible corrélation actuelle (0,32) avec les marchés actions développés atténue quelque peu le risque de repli en cas de correction des marchés actions. »
Contraintes liées à l'offre
Troisièmement, l’offre est sous pression afin de répondre à la demande en plein essor, ce qui est bénéfique pour les prix si ces pressions persistent. « Nous nous attendons à ce que la dynamique « bottom-up » s’améliore, car les pressions exercées sur l’offre restent présentes sur différents marchés de matières premières, et un resserrement physique est susceptible d’apparaître à moyen terme », déclare Peter van der Welle. « Les micro-fondamentaux confortent donc de plus en plus un scénario optimisme pour les matières premières.
Nous nous attendons à ce que l’OPEP+ continue de réduire sa production de pétrole. En ce qui concerne les métaux, la production minière s’est inscrite en berne et présente encore des risques de baisse imputables à des dépenses d’investissement inférieures à la tendance, aux sécheresses, aux âpres négociations salariales en Amérique latine et aux pannes d’électricité en Afrique du Sud.
En outre, les risques d’approvisionnement provoqués par les turbulences liées à la situation entre Israël et l’Iran, les élections américaines de novembre et l’éventuelle offensive d’été de la Russie en Ukraine pourraient également accroître les primes de risque géopolitique prises en compte dans les prix des matières premières. »
Un secteur encore volatil
Les matières premières bénéficient donc d’une dynamique positive, même si la prudence est toujours de mise dans cette classe d’actifs volatile.
« Un vent de renouveau printanier souffle d’ores et déjà sur les traders en matières premières, et l’ambiance estivale nous réserve encore de bonnes surprises. Des risques planent toutefois sur cette classe d’actifs. Les positions futures sur les matières premières sont élevées et le risque d’un atterrissage brutal reste non négligeable à un horizon de six à douze mois.
La reprise de l’activité industrielle mondiale nécessaire pour voir apparaître un resserrement physique sur les marchés des matières premières pourrait s’avérer plus timide que prévu. »
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