Poussée de puissance des centres de données
L’IA s’annonce révolutionnaire, car les entreprises conçoivent des applications qui exploitent sa puissance afin d’améliorer les processus et les produits. Mais l’intensification de la demande de calcul par l’IA entraîne également une hausse de la consommation d’électricité et de la chaleur dans les centres de données. En guise d’exemple, une recherche type avec ChatGPT consomme près de 10 fois plus d’électricité qu’une recherche Google1. Et l’IA n’est pas la seule responsable : les tendances à la digitalisation, à l’électrification et à l’automatisation, en croissance rapide, alourdissent également la charge de travail des centres de données.
Après des décennies de croissance progressive, la demande d’électricité des centres de données devrait augmenter de 160 % au cours des prochaines années jusqu’en 20302.
phique 1 – La demande d’électricité des centres de données va monter en flèche au cours de la prochaine décennie

Source : Masanet et al. (2020), Cisco, AIE, Goldman Sachs Research.
Avertissement de grande chaleur
Toute cette puissance de calcul concentrée produit également beaucoup de chaleur, ce qui pousse les systèmes de refroidissement des centres de données jusqu’à dans leurs derniers retranchements et compromet les performances de traitement.
Les températures de fonctionnement recommandées des centres de données standard animés par des puces CPU sont comprises entre 18 et 27 °C. Or, la consommation d’énergie des puces d’IA de nouvelle génération (GPU) a été quadruplée, ce qui fait monter les températures bien au-delà des plages opérationnelles optimales3,4 . Au-delà de 40 °C, les taux de défaillance augmentent de 30 % pour chaque hausse de cinq degrés5.
Les vagues de chaleur extrême augmentent également la température extérieure, ce qui pousse les systèmes de refroidissement des centres de données jusque dans leurs derniers retranchements. En 2022, les fortes chaleurs au Royaume-Uni ont provoqué l’arrêt des services cloud dans les centres de données de Google et d’Oracle6.
Eau propre
Remédier à la problématique de la rareté de l’eau et améliorer sa qualité
Dilemmes des centres de données : plus d’énergie et d’eau
Le refroidissement par air est énergivore, siphonnant environ 40 % de l’alimentation électrique d’un centre de données7. Le traitement accéléré augmente encore ces coûts8. Face à cette situation, les exploitants de centres de données ont décidé d’installer un système le refroidissement par évaporation qui exploite la capacité supérieure d’absorption de la chaleur de l’eau. Cette technologie leur permet d’améliorer leurs capacités de refroidissement en consommant moins d’énergie et à moindre coût comparé aux seuls systèmes de refroidissement par air9,10.
Qui plus est, le refroidissement par évaporation humidifie l’air des centres de données, réduisant ainsi les décharges électrostatiques susceptibles d’endommager l’équipement et de réduire les performances. Il réduit également le recours aux réfrigérants chimiques nocifs utilisés dans certaines formes de refroidissement direct par air11.
Une meilleure efficacité énergétique va également de pair avec une réduction des émissions, un indicateur de plus en plus important pour les centres de données qui s’efforcent d’atteindre leurs propres objectifs de décarbonation et d’attirer des clients finaux sensibilisés à la durabilité.
Mais le refroidissement par évaporation peut également s’avérer gourmand en eau12. Jusqu’à présent, la combinaison d’un refroidissement par air et par évaporation était suffisante pour dissiper la chaleur. Mais l’évolution technique des CPU vers les GPU rendra les centres de données de prochaine génération beaucoup plus gourmands en eau. C’est un aspect vraiment problématique pour les centres de données situés dans des zones en proie à un stress hydrique où les services aux collectivités peuvent refuser de délivrer des permis de prélèvement d’eau.
L’industrie est donc à la recherche de technologies d’évaporation plus économes en eau, telles que le refroidissement en circuit fermé ou adiabatique, qui éliminent les pertes d’eau.
Graphique 2 – Le refroidissement par évaporation dans les centres de données à la loupe

Source : Techwire Asia, ST Engineering, 2022. Le refroidissement par évaporation est une solution qui refroidit l’air ambiant et le dirige vers les armoires de serveurs dans les centres de données. Il utilise de l’eau réfrigérée pour absorber la chaleur qui ensuite s’évapore et est évacuée vers l’extérieur ou réinjectée dans un circuit fermé afin
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Le refroidissement liquide a le vent en poupe
La capacité thermique de l’eau est 3 000 fois supérieure à celle de l’air. En d’autres termes, l’eau est capable d’absorber plus de chaleur en utilisant moins d’énergie et à moindre coût que l’air. Les solutions de refroidissement liquide jouent donc un rôle essentiel pour l’avenir de l’infrastructure des centres de données.
Vu la nécessité de mettre au point des innovations plus efficaces, le marché mondial du refroidissement des centres de données a été évalué à 15,9 milliards de dollars en 2023, et devrait croître à un TCAC de plus de 13,5 % entre 2024 et 203213.
Graphique 3 – Taille du marché mondial du refroidissement des centres de données, 2022-2032 (milliards de dollars)

Source : Global Market Insights, avril 2024.
En particulier, le refroidissement direct par liquide (DLC pour « direct-liquid cooling ») suscite de plus en plus d’intérêt. Les systèmes DLC injectent de l’eau froide dans des tuyaux et des tubes placés à proximité de grandes sources de chaleur, notamment les portes arrière des armoires de serveurs, et même directement sur les puces14. Une récente étude de marché montre que 11 % des exploitants de centres de données utilisent actuellement la DLC et souhaitent étendre son utilisation, alors qu’ils sont 61 % à envisager de le faire à l’avenir15.
Une autre forme de DLC, le refroidissement par immersion, gagne en popularité parmi les fabricants de puces et de serveurs d’entreprise de pointe. Cette solution consiste à immerger des puces ou des serveurs entiers dans un liquide conducteur de chaleur (mais pas d’électricité), ce qui accroît l’efficacité du transfert de chaleur. Le PDG de NVIDIA*, Jensen Huang, a révélé en mars que sa prochaine génération de serveurs sera à refroidissement liquide16.
L’eau ne sert pas qu’à des fins de refroidissement
Afin d’éviter l’entartrage minéral, la corrosion et la prolifération microbienne, les solutions liquides doivent utiliser de l’eau très pure à faible conductivité, ce qui crée des opportunités d’investissement pour les fournisseurs de solutions de toute la chaîne de valeur de l’eau. Ainsi, les analyses de l’eau qui mesurent le pH, les ions et les niveaux microbiens joueront un rôle crucial pour assurer la qualité de l’eau.
De leur côté, les méthodes de traitement de l’eau envisageables sont également légion : échange d’ions, osmose inverse ou encore ajout d’agents anticorrosion, antitartre et biocides.
Si le refroidissement liquide est l’avenir, le refroidissement par air n’est pas près de disparaître pour autant. En effet, l’efficacité des ressources et la rentabilité des systèmes de refroidissement sont influencées par de nombreux facteurs, notamment la capacité de calcul, les conditions climatiques, les réseaux énergétiques locaux, les réglementations et l’incidence générale sur l’environnement. C’est pour ces raisons que les principaux exploitants de centres de données, notamment Meta, Alphabet, Amazon et Microsoft*, ainsi que d’autres grandes entreprises technologiques et chefs de file de l’IA investissent dans différentes technologies de refroidissement pouvant être adaptées de manière dynamique afin d’optimiser les ressources en énergie et en eau ainsi que les coûts d’exploitation globaux.
Les nuages annoncent la pluie
Au vu de l’accélération des tendances à l’hyper-échelle, au cloud-computing et à l’IA, l’eau restera un facteur crucial de la performance des centres de données, créant de nouveaux flux de croissance à long terme pour la stratégie Sustainable Water de Robeco. La stratégie investit dans des entreprises qui proposent des technologies économes en ressources destinées aux systèmes de refroidissement.
En plus d’investir dans les fabricants de systèmes de refroidissement, la stratégie axée sur l’eau investit dans des entreprises qui proposent une gamme complète de technologies et de services d’ingénierie liés à l’eau. Ceux-ci comprennent notamment les infrastructures hydriques de base (pompes, vannes et tuyaux), les tests d’analyse, les traitements de purification, le recyclage et la gestion des eaux usées, qui seront tous nécessaires pour assurer les performances optimales (et durables) des centres de données.
Qu’il s’agisse d’infrastructures physiques ou cloud, la stratégie en matière d’eau regorge d’opportunités ; et l’équipe reste à l’affût des entreprises du secteur de l’eau à même de tirer parti du potentiel du cloud computing pour faire pleuvoir les revenus.
* La stratégie Sustainable Water de Robeco n’est pas investie dans les titres cités, et les références qui y sont faites ne doivent aucunement être interprétées comme des recommandations d’achat, de vente ou de détention desdits titres ou de tout autre titre.
Sustainable Water D EUR
Notes de bas de page
1 Goldman Sachs, mai 2024. « L’IA devrait accroître de 160 % de la demande d’électricité »
2 Ibid.
3 Les plages de température recommandées ont été déterminées par l’American Society of Heating, Refrigerating and Air-conditioning Engineers (ASHRAE). Data Center Knowledge, janvier 2023. « Hot in Here: Is raising temperatures in data centers good for hardware? »(« Il fait chaud ici : faire monter la température dans les centres de données est-il bon pour le matériel ? »)
4 Robeco, novembre 2023. « The energy challenge of powering AI chips. » (« Le défi énergétique de l'alimentation des puces de l’IA. »)
5 Data Center Dynamics, novembre 2023. « The effects of high temperatures on hard drives. » (« Les effets des températures élevées sur les disques durs. »)
6 Bloomberg. Juillet 2022. « Les centres de données de Google et d’Oracle mis hors ligne à cause de la chaleur à Londres. »
7 Département américain de l’Énergie (DEO). Mai 2023. « DOE announces $40 million for more efficient cooling for data centers. » (« Le DEO annonce 40 millions de dollars pour un refroidissement plus efficace des centres de données. »)
8 Les deux systèmes de refroidissement par air les plus courants sont le CRAC et le CRAH. À l’instar des climatiseurs, les unités CRAC utilisent des réfrigérants et des compresseurs, alors que les unités CRAH utilisent de l’eau réfrigérée et des soupapes de contrôle pour le refroidissement.
9 https://www.computerweekly.com/blog/Ahead-in-the-Clouds/Why-water-usage-is-the-datacentre-industrys-dirty-little-secret, https://portacool.com/how-does-evaporative-cooling-work/
10 L’air n’est pas un absorbeur et un convertisseur de chaleur efficace. Un litre d’eau peut absorber 3000 fois plus d’énergie (chaleur) qu’un litre d’air. https://adwatec.com/benefits-of-water-cooling/efficiency/
11 Voir note de bas de page 7.
12 Dans ces cas, l’eau évaporée qui absorbe la chaleur n’est pas récupérée dans un système en circuit fermé.
13https://www.gminsights.com/industry-analysis/data-center-cooling-market
14 https://sustainability.fb.com/2023-sustainability-report/ - Les centres de données de Meta utilisent de l’eau pour le refroidissement par évaporation en été (et l’humidification en hiver).
15 Uptime Institute, juillet 2022. « Direct liquid cooling: pressure is rising but constraints remain. » (« Refroidissement direct par liquide : la pression augmente mais les contraintes persistent. »
16 Data Center Dynamics, mars 2024. « NVIDIA’s CEO confirms upcoming system will be liquid cooled. » (« Le PDG de NVIDIA confirme que le prochain système sera à refroidissement liquide. »)