24-07-2024 · Vision

Règlement SFDR – ce que les gérants d’actifs doivent savoir

Le règlement européen sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) est un ensemble de règles destinées à améliorer la transparence et à maintenir la crédibilité de l'investissement durable. Nous examinons les implications théoriques pour les gérants d'actifs et leur évolution dans la pratique.

Robeco's SI Big Book 2.0.

    Auteurs

  • Masja Zandbergen-Albers - Head of Sustainability Integration

    Masja Zandbergen-Albers

    Head of Sustainability Integration

Une étape importante dans un parcours plus long

La réglementation est un gros mot dans de nombreux milieux économiques et politiques, mais les réglementations en matière de durabilité sont absolument nécessaires pour accélérer la transition vers des économies plus propres, plus écologiques et plus équitables. L'Union européenne n'a pas perdu de temps pour élaborer des cadres législatifs visant à orienter ses entreprises, ses industries et ses partenaires commerciaux vers des profits et une croissance durables.

Le plan d'action de l'UE pour une finance durable n’est qu’un élément du vaste programme prévu. Son objectif principal est de canaliser les capitaux vers des investissements et un développement durables dans l'ensemble du bloc des 27 pays. Pour cela, l’Union européenne a lancé plusieurs initiatives sous-jacentes, notamment le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR).

Le règlement SFDR est conçu pour garantir que les capitaux destinés aux investissements durables soient investis dans de véritables produits durables. Pour y parvenir, le règlement SFDR exige des gérants d'actifs qu'ils prennent sérieusement en compte les risques liés à leurs produits d'investissement, qu'ils étayent toute affirmation en matière de durabilité sur la base de critères objectifs et qu'ils publient ces résultats.

En plus de protéger les investisseurs contre le « greenwashing », la mise à disposition d’un plus grand nombre de données et la publication d'informations devraient leur permettre de comparer de manière plus pertinente les avantages et les inconvénients des produits d'investissement concurrents.

Idées reçues courantes

À ce jour, la caractéristique la plus connue du règlement SFDR est son système de classification. Les gérants d'actifs sont tenus de classer tous les produits d'investissement dans les catégories relevant de l’Article 6, 8 ou 9.

  • Les produits qui relèvent de l'Article 6 n'ont pas d'objectif de durabilité, mais doivent en indiquer les raisons.

  • Les produits qui relèvent de l’Article 8 doivent démontrer qu’ils promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales.

  • Quant aux produits relevant de l’Article 9, ils doivent poursuivre un objectif d’investissement durable clair.


Les gérants d'investissements peuvent être tentés d'utiliser ces nouvelles classifications comme label commercial pour accroître leur attractivité. Cependant, les labels impliquent que les produits aient été évalués sur la base d’un ensemble précis d’indicateurs standardisés, ce qui n'est pas le cas avec le règlement SFDR. Bien que la communication d’informations soit nécessaire dans les domaines communs, il existe encore une grande variabilité entre les caractéristiques de durabilité. À l'origine, le règlement SFDR est une mesure de transparence qui permet aux investisseurs d’examiner les spécificités d'un produit afin de comprendre quelles caractéristiques le rendent durable.

Le règlement SFDR est une mesure de transparence qui permet aux investisseurs d’examiner les spécificités d'un produit afin de comprendre quelles caractéristiques le rendent durable

Une autre erreur fréquente consiste à supposer que les produits relevant de l'Article 6 ne sont pas soumis à l'obligation d'information en matière de durabilité. Le règlement SFDR exige de tous les acteurs des marchés financiers qu'ils procèdent à une évaluation et indiquent s'ils intègrent des politiques de durabilité dans leurs produits, quel est l'impact probable du risque de durabilité sur les rendements et s'ils prennent en compte les impacts négatifs que leurs produits peuvent avoir sur un ensemble d'indicateurs spéciaux définis par l'UE, appelés Principales incidences négatives (« Principal Adverse Impacts », PAI).1

Comparer les Articles 8 et 9

Par rapport à l'Article 6, les Articles 8 et 9 exigent davantage de mesures et de rapports sur un large éventail d'indicateurs de durabilité. Les produits relevant de l’Article 8 doivent démontrer qu’ils promeuvent la durabilité, tandis que les produits relevant de l’Article 9 doivent démonter qu’ils y contribuent directement. De plus, les deux catégories de produits doivent démontrer qu'elles adhèrent à la bonne gouvernance et indiquer dans quelle mesure elles utilisent la définition des « activités durables » de la taxonomie de l'UE.

Au-delà de ces exigences, les portefeuilles relevant de l'Article 9 sont tenus de rendre compte des effets négatifs que leurs titres sous-jacents peuvent avoir sur 18 (des 64) principales incidences négatives (PAI), dans des domaines tels que les émissions de carbone, l'élimination des déchets, les droits de l'homme et la parité. En revanche, les produits relevant de l'Article 8 doivent seulement expliquer s'ils prennent en compte les PAI dans leurs investissements.

Une autre distinction est le fait que les produits relevant de l'Article 9 doivent être entièrement investis dans des entreprises considérées comme durables, alors que les produits relevant de l'Article 8 doivent seulement indiquer la part d'investissements durables qu'ils ont l'intention de réaliser.

Graphique 1 - Comment Robeco détermine la classification SFDR d'un produit

Graphique 1 - Comment Robeco détermine la classification SFDR d'un produit

Source: Robeco, April 2023

Une plus grande clarté est essentielle

Mais il n’y a pas de définition précise de ce qui constitue un « investissement durable ». Un investissement dans un parc éolien peut être durable dans le cadre d'une stratégie d'énergie propre, mais ses mauvais résultats en matière de sécurité des travailleurs peuvent le disqualifier pour un portefeuille axé sur les hautes performances en matière de facteurs sociaux. Ce manque de clarté pose des difficultés et ralentit les progrès du règlement SFDR.

Des amendements ont été proposés, notamment des normes techniques plus strictes et une plus grande rigueur dans les évaluations des PAI (il ne s'agit pas seulement de savoir si les PAI sont appliqués aux investissements, mais aussi comment ils le sont). Toutefois, il peut s'écouler plusieurs années avant que ces amendements soient examinés, approuvés et mis en œuvre (à condition d’être approuvés).

Le système de classification de la taxonomie de l'UE pourrait offrir une solution plus rapide, puisque les catégories relevant des Articles 8 et 9 exigent des gérants qu'ils indiquent déjà dans quelle mesure leurs produits se conforment à la taxonomie.2 Mais cela ne peut pas être évalué tant que les entreprises investies elles-mêmes ne classent ni ne déclarent leurs activités durables. Le CSRD, une directive distincte sur la finance durable visant la publication par les entreprises d’informations en matière de durabilité, exige des grandes entreprises (plus de 500 employés) qu'elles publient des rapports sur l'alignement de leurs activités sur la taxonomie, et ce, dès cette année.

Mais compte tenu des coûts que cela implique, les petites entreprises ont encore plusieurs années pour se mettre en conformité. En outre, le volet social de la taxonomie de l'UE, qui définit les activités qui contribuent positivement à l'impact social, est toujours en cours d’élaboration. Compte tenu de ces lacunes en matière de reporting, il est peu probable que la taxonomie soit utilisée d'ici la fin de l'année comme solution plus rapide.

Situation actuelle et perspectives

Pour le moment, l’incertitude quant à l’évolution future de la réglementation a incité bon nombre de gérants à suspendre temporairement leurs nouveaux plans d’action concernant le règlement SFDR. Malgré cette pause, la réglementation suscite beaucoup de dialogue et d'engagement. En outre, il est préférable que les progrès à une telle échelle et avec un tel impact soient réalisés progressivement.

À terme, nous pensons que la pression externe exercée par les parties prenantes, combinée aux progrès technologiques en matière de saisie et de traitement des données, devrait inciter les entreprises et le secteur de l'investissement à intégrer et communiquer davantage sur les risques et l'impact en matière de durabilité.

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