Les quatre principales classes d’actifs, à savoir les actions, les obligations d’État, les obligations d’entreprise (crédits) et les matières premières, s’appuient chacune sur des hypothèses différentes quant à la politique future des banques centrales, explique-t-il. Une baisse des taux affecterait chaque classe d’actifs de manière différente, et il est donc essentiel de bien anticiper les résultats probables - mais laquelle de ces classes d’actifs raconte la bonne histoire ?
« L’ensemble du marché est devenu dépendant des données, essayant de repérer un changement de tendance qui pousserait les banques centrales à abaisser les taux, ou à le faire plus rapidement que prévu », explique Graham, responsable des Solutions multi-actifs durables de Robeco. « Si nous analysons la situation dans chaque classe d’actifs, il existe une cohérence interne dans les hypothèses. Mais en prenant un peu de recul, nous constatons que les hypothèses entre les différentes classes d’actifs ne sont pas cohérentes. »
L’analogie de l’éléphant
Il explique que l’état actuel des marchés ressemble à un ancien texte bouddhiste, le Tittha Sutta, qui raconte l’histoire de quatre hommes aveugles à qui l’on demande de toucher différentes parties d’un éléphant, un animal qu’ils ne connaissent pas. Celui qui toucherait la trompe de l’éléphant, par exemple, aurait une sensation différente de celui qui toucherait ses oreilles.
« Chacun décrit ce à quoi il a été confronté et n’a pas pu comprendre la “vérité” des autres hommes sur ce qu’ils ont ressenti », explique Graham. « Inutile de dire que leurs observations n’ont pas permis de découvrir qu’il s’agissait d’un éléphant ni de comprendre ce que les autres observaient. Nous constatons le même phénomène sur les marchés. »
Selon lui, ce phénomène peut être observé dans les deux classes d’actifs les plus performantes de l’année, où l’or anticipe essentiellement un ralentissement économique, tandis que les actions s’attendent toujours à une reprise.
L’or contre les actions
« L’or a surperformé les actions cette année, malgré la vigueur de l’économie américaine et des taux d’intérêt réels plus élevés (taux bancaires moins inflation), de sorte qu’il est désormais considéré comme un actif à risque plutôt qu’une simple réserve de valeur », explique Graham. « La demande d’or en provenance de la Chine a augmenté, car les inquiétudes concernant le secteur bancaire national et la chute des prix de l’immobilier ont poussé les locaux à chercher une valeur refuge. »
« Les actions, quant à elles, sont portées par l’essor de l’IA, les analystes s’attendant à ce que les entreprises continuent de surpasser les prévisions de croissance des bénéfices pour justifier les valorisations. Cependant, seules les valeurs financières, en dehors des entreprises liées aux technologies de l’information, ont jusqu’à présent répondu à ces attentes. Les actions pourraient donc anticiper une reprise économique, d’autant plus que le cycle de baisse des taux au niveau mondial s’accélère. »
« Cela s’est vérifié par les petites capitalisations américaines qui ont surperformé les grandes capitalisations de 10 % en l’espace de quelques jours en juillet, un type de retournement de situation que l’on observe souvent au plus bas des marchés baissiers. » Mais va-t-il y avoir un marché baissier ? Le marché des options aux États-Unis évalue actuellement à 37 % la probabilité qu’il y en ait un d’ici la fin de l’année.
Un vent favorable pour les obligations
Les obligations d’entreprise et d’État sont beaucoup plus sensibles aux taux, car ces deux classes d’actifs perdraient de la valeur si les taux augmentaient à nouveau. « Les crédits et les obligations High Yield ont fait preuve de résilience face aux hausses de taux et aux inquiétudes concernant les entreprises qui doivent refinancer leurs dettes à des taux d’intérêt plus élevés », explique Graham.
« Le ralentissement économique et la hausse des taux de défaut due à la baisse des bénéfices n’ont guère suscité d’inquiétudes, mais le vent favorable des taux d’intérêt plus bas résultant du cycle de réduction a amélioré les perspectives. Cela est en phase avec le rallye observé dans les secteurs d’actions sensibles aux taux, tels que les REITs, les télécommunications, les services aux collectivités et les petites capitalisations américaines. »
« Les obligations d’État mondiales ont eu du mal à surperformer la rémunération des liquidités depuis le début de l’année et leurs courbes de taux ont anticipé les baisses de taux, provoquant un effondrement du term premium (ce que les investisseurs exigent pour prêter de l’argent sur une plus longue période), ainsi qu’une courbe de taux en pente descendante. »
Un retour à la normale ?
« Pour que les taux longs aux États-Unis dépassent les taux courts, il faudrait un cycle important de baisse des taux d’environ deux points de pourcentage. Cela implique un retour à des niveaux de taux réels moyens, un cycle de baisse des taux moyen et une politique monétaire qui revient au cadre de l’après-crise financière mondiale. »
Enfin, les matières premières autres que l’or restent à la traîne par rapport aux autres marchés. « Cela n’est pas surprenant étant donné la morosité persistante du secteur manufacturier mondial, confirmant le maintien de perspectives peu encourageantes », explique Graham.
« En résumé, les matières premières, l’or et les obligations d’État semblent indiquer un ralentissement majeur, qui permettrait une baisse des taux conforme aux résultats historiques (incluant des récessions), tandis que les crédits et les actions anticipent un scénario beaucoup plus optimiste de reprise de l’activité et des bénéfices. »
Le véritable éléphant dans la pièce
Alors, qui a raison ? « D’habitude, notre instinct nous pousserait à faire confiance au marché obligataire… alors, le signal de la courbe des taux inversée annonçant une récession est-il défaillant ou ne s’est-il tout simplement pas encore concrétisé ? Dans l’ensemble, le consensus semble équilibrer les résultats extrêmes plutôt que de refléter une cohérence entre les classes d’actifs, un peu comme les observateurs dans l’histoire de l’éléphant », conclut Graham.
« En prenant un peu de recul, on peut voir que le véritable éléphant dans la pièce est la liquidité. L’accumulation de l’assouplissement quantitatif, une décennie de taux d’urgence, et plus récemment, une augmentation des dépenses publiques signifient que nous avons trop d’argent pour trop peu d’actifs, et que par conséquent, les décisions d’allocation n’ont pas besoin d’être prises. »
« Si la Réserve fédérale se lance dans un cycle de baisse profonde des taux, sans événement économique négatif, cela continuera à nourrir cet éléphant. »
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