Réunir IA et ID soulève une grande difficulté : l’intelligence artificielle consiste essentiellement en un algorithme informatique qui appartient à l’espace numérique/virtuel, alors que la plupart des aspects de l’investissement durable sont ancrés dans la réalité physique, comme la construction d’éoliennes ou la protection de la biodiversité.
Le machine learning repose fondamentalement sur la détection de schémas récurrents. L’ordinateur extrapole les données pour repérer les anomalies, voir où des gains d’efficacité peuvent être obtenus et, en fin de compte, prédire les tendances futures. Une application simple de cet outil est l’autocomplétion (génération automatique de mots à partir des premiers caractères saisis), une fonctionnalité des smartphones qui apprend à partir de vos habitudes de frappe, ou encore les détecteurs de spam dans les programmes de gestion du courrier électronique.
Mike Chen, directeur de la recherche alternative d’alpha chez Robeco, fait observer que, même si ces algorithmes appartiennent au monde numérique, ils ont des applications potentielles considérables dans le domaine de l’ID. Ils peuvent être utilisés pour modéliser le climat, cartographier la déforestation, améliorer les soins médicaux et l’éducation, et atteindre les objectifs de développement durable (ODD).
En fait, comme l’explique Mike Chen, ils ont des applications dans toute la gamme des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Et c’est dans le volet environnemental (« E ») qu’on le voit le plus clairement.
E : préserver l’environnement
« Le réchauffement climatique est l’un des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée », souligne Mike Chen. « Le programme Apollo, qui a permis à un homme de poser pour la première fois le pied sur la lune, a soulevé des difficultés colossales et il a fallu mobiliser toute une armée de scientifiques et d’ingénieurs travaillant en collaboration avec le gouvernement pour les résoudre. Il en va de même pour le climat : il faut que les gouvernements montrent la voie, mais il faut aussi impliquer la communauté scientifique, les universitaires et les ONG.
Dans le cadre de la modélisation du climat à l’échelle planétaire, l’IA est capable de détecter des schémas récurrents complexes au sein de très grands ensembles de données. C’est probablement la première des choses qu’elle peut faire pour nous aider. Elle peut s’intéresser aux courants océaniques et à la façon dont ils reflètent les rayons du soleil dans l’atmosphère, ou aux courants-jets, puisqu’il s’agit d’un seul et même système immense et interconnecté.
Si vous avez des photos d’une forêt tropicale ou d’autres zones protégées prises par des satellites ou des drones, l’IA peut également servir à analyser les schémas récurrents, à repérer les anomalies et à détecter les activités illégales. »
Développer les énergies renouvelables
Mike Chen estime que l’IA peut également jouer un rôle en coulisses dans le développement des énergies renouvelables et donc être en mesure de compenser ses propres émissions qui sont produites lors de l’entraînement et de l’exécution des algorithmes d’IA. L’utilisation des ordinateurs est responsable de 2 % des émissions mondiales de CO2, soit plus que l’industrie du transport aérien. Actuellement, la majeure partie de l’IA est alimentée par la combustion d’énergies fossiles.
« Le machine learning et le traitement du langage naturel (NLP) n’ont pas des petits bras pour construire une éolienne », constate Mike Chen. « Mais avant d’implanter une éolienne, il faut décider où l’installer, comment la construire et quelle technologie utiliser, et analyser quels sont les avantages et les inconvénients attendus. Il faut savoir avec quel type de générateur ou d’aimant équiper le moteur. Il s’agit d’une analyse assez complexe qu’il est possible d’optimiser grâce à l’IA. »
Construction d’éoliennes : l’IA peut servir à maximiser leur efficacité.
Abordons une autre contrainte : les éoliennes ne fonctionnent pas lorsqu’il n’y a pas de vent et on ne peut pas produire d’énergie solaire durant la nuit. Il est donc nécessaire de stocker l’électricité pendant les périodes d’arrêt. La construction d’un nouveau réseau représente pas moins de 30 % des investissements nécessaires pour atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici 2050.
« Nous devons créer une sorte de système de stockage d’énergie, car les énergies renouvelables ne sont pas aussi fiables que les énergies fossiles », explique Mike Chen. « Mais quel est le meilleur endroit où placer ces batteries ? Et comment construire un réseau de stockage d’énergie optimal ? Satisfaire les besoins en énergie de la société et surmonter la nature irrégulière et cyclique de la production d’énergie renouvelable ne sont que quelques-uns des nombreux défis pour lesquels l’IA est capable de nous aider. »
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Quand Google s’en mêle
Prenons un exemple concret : dans les centres de données de Google, les serveurs géants utilisés pour traiter les produits Google, tels que les moteurs de recherche, Gmail et YouTube, génèrent beaucoup de chaleur. Ces équipements doivent donc être refroidis. Or, les systèmes de refroidissement sont particulièrement énergivores. Un programme d’IA créé par DeepMind, une filiale de Google, a utilisé le machine learning pour tenter de réduire l’impact sur l’environnement.
Le programme DeepMind a rassemblé les données historiques collectées par des milliers de capteurs au sein du centre de données, telles que la température et la vitesse des pompes de refroidissement, et les a introduites dans un ensemble de réseaux neuronaux. Des facteurs liés à la consommation d’énergie ont ensuite été ajoutés afin que la machine puisse prédire la température du centre de données au cours de l’heure suivante. La machine était alors en mesure de calculer la quantité optimale d’énergie nécessaire pour que tout soit correctement refroidi.
Le programme a ainsi permis de réduire de 40 % la consommation d’énergie pour le refroidissement et de 15 % le montant global des coûts anticipés liés à l’efficacité de la consommation d’énergie. Google envisage d’autres applications de cette technologie à l’avenir, notamment la réduction de la consommation d’énergie dans la fabrication des semi-conducteurs et des économies d’eau.
Prendre la température
La technologie de DeepMind peut être utilisée à plus grande échelle pour déterminer, dans les maisons, les bureaux et les usines, les niveaux d’occupation afin de maximiser l’efficacité énergétique. À la façon des capteurs qui éteignent les lumières si personne n’est assis en dessous, le machine learning analyse les niveaux de chaleur corporelle détectés afin de déterminer à quel moment le chauffage et la climatisation doivent être augmentés ou diminués. Les dispositifs intelligents tels qu’Alexa d’Amazon sont capables de réaliser les mêmes choses au domicile des particuliers1 .
L’IA peut servir d’autres objectifs, comme le développement des voitures électriques. En effet, les systèmes de navigation basés sur l’IA apprennent où de nouvelles stations de recharge ont été installées afin d’aider le conducteur à trouver celle qui est la plus proche. Mais dans le secteur automobile (moteur à combustion ou électrique), l’IA est principalement utilisée pour créer des voitures autopilotées : la machine apprend la topographie locale, les conditions de circulation et le réseau de feux tricolores afin de se déplacer en ville en toute sécurité.
S : l’amélioration des soins médicaux et de l’éducation
En ce qui concerne le volet social de l’ESG, l’IA est principalement utilisée en rapport avec la santé et l’éducation, notamment la recherche de traitements contre le cancer, l’ingénierie moléculaire ou la personnalisation de l’enseignement. L’IA pourrait également permettre de réduire le coût des soins médicaux dans les régions du monde les plus défavorisées en la matière. En effet, grâce à une machine, il est possible de baisser le prix en réalisant des économies d’échelle.
« Je vis à Boston, l’un des plus grands centres mondiaux de biotechnologie », explique Mike Chen. « Les personnes qui travaillent dans ce secteur me disent qu’elles se servent beaucoup de l’IA pour élaborer des médicaments et pour la recherche thérapeutique dans des domaines tels que l’ARNm. L’IA est utilisée pour simuler les effets des médicaments sur diverses pathologies. »
Accélérer les progrès en matière de santé
« En fait, la simulation de la façon dont divers processus ou mécanismes biologiques réagissent ou interagissent avec différents types de thérapies fait déjà partie intégrante de la R&D. Il existe une multitude d’applications. L’IA est à la pointe de la recherche de solutions contre des maladies qui accablent l’humanité depuis longtemps. »
Une de ses applications avérées est le dépistage du cancer au moyen de marqueurs protéiques ou d’indicateurs signalant certaines anomalies. Si un patient présente un certain marqueur protéique dans une cellule sanguine, les algorithmes de recherche de correspondance peuvent le comparer à d’autres marqueurs en vue de détecter des anomalies, et ce avec un niveau de précision supérieur à celui des médecins.
L’accessibilité financière des soins médicaux
Par ailleurs, il est possible ainsi de raccourcir considérablement les délais de diagnostic, un facteur essentiel, dans le cas de maladies potentiellement mortelles telles que le cancer, pour déterminer si la tumeur peut être traitée à temps. Mais c’est principalement pour favoriser l’accès aux soins médicaux que l’IA est sans doute utilisée.
« La raison pour laquelle il faut attendre longtemps avant de pouvoir consulter un médecin, c’est qu’il n’y en a pas assez », fait observer Mike Chen, et l’IA peut complètement changer la donne dans ce domaine. « La plupart des médecins analysent vos symptômes et s’appuient sur leurs connaissances pour vous dire quelles sont les causes probables. Ils réalisent des diagnostics et vous soumettent à des tests, puis ils interprètent les résultats obtenus. Une grande partie de ce processus peut être entièrement automatisé. »
Cela pourrait s’avérer extrêmement utile pour les personnes vivant dans des villages isolés, dans des pays en développement ou dans des régions éloignées des infrastructures, où les soins médicaux ne sont pas toujours disponibles ou sont trop coûteux pour être dispensés par des moyens traditionnels. Le patient pourrait décrire ses symptômes et les données seraient ensuite traitées dans une ville voisine, où le traitement serait organisé puis envoyé au patient.
Peut-on faire confiance à un robot ?
C’est précisément là que réside un des grands problèmes de l’IA : et si le diagnostic était erroné ? À qui faire confiance : à un robot ou à une personne en blouse blanche ? « Naturellement, l’IA peut se tromper, mais les médecins peuvent eux aussi faire des erreurs de diagnostic », constate Mike Chen
.
« Bien sûr, nous sommes conditionnés pour faire davantage confiance aux humains qu’aux robots, et c’est une bonne chose. Je ne dis pas que l’IA peut remplacer les humains, mais elle peut au moins compléter l’expertise des spécialistes et effectuer une grande partie du travail préliminaire. »
Et qui pourrait-on poursuivre en justice si une machine se trompait puisqu’il est impossible de traîner un ordinateur devant les tribunaux ? Cette question ne se pose pas, car le patient pourrait tout simplement intenter une action contre le prestataire de soins médicaux ou l’assureur, comme il l’a toujours fait. « Le cadre juridique général, soutenu par le système de santé et l’État, ne disparaîtrait pas », ajoute Mike Chen, et il pourrait traiter les demandes d’indemnisation. « Ce cadre ne change pas, même si les outils de diagnostic changent. »
Révolutionner l’éducation
Outre les soins médicaux, l’IA pourrait également révolutionner l’éducation en permettant, là encore, à tous d’y avoir accès. « La connaissance est probablement notre ressource nationale la plus précieuse », rappelle Mike Chen. « Mais il est très coûteux de renforcer les connaissances d’une population par le biais d’une éducation de qualité, car il faut pour cela que chacun reçoive une attention personnalisée.
Or, chaque enfant est différent et chaque enfant apprend différemment. Comment relever ce défi ? Il faut rendre l’enseignement accessible à la fois dans les grandes villes, où l’éducation doit être personnalisée, et dans les zones reculées, où il y a besoin d’une éducation de base.
L’utilisation qui est faite de l’IA, comme demander à ChatGPT de rédiger une dissertation pour réussir son examen, est source d’inquiétude. Mais je pense que le potentiel de l’IA dans le domaine de l’éducation est colossal. Les établissements privés sont en mesure d’offrir une attention plus individualisée ou personnalisée, mais les établissements publics ne disposent pas des ressources nécessaires. Grâce à l’IA, nous pouvons gommer les disparités et renforcer l’égalité. »
Rendre l’éducation accessible à tous
Les machines sont déjà capables de créer des programmes éducatifs individualisés permettant de dispenser des formations personnalisées plutôt qu’un enseignement indifférencié, bien que ce soit particulièrement le cas dans les pays développés. Plutôt que d’essayer de recruter davantage d’enseignants censés intervenir dans des classes toujours plus surchargées, de nombreux établissements scolaires investissent désormais dans l’achat d’iPads pour aider les élèves à se concentrer et pour personnaliser leur formation.
Plus généralement, en ce qui concerne le volet « S » de l’ESG, l’IA pourrait s’avérer utile, voire essentielle, pour atteindre de nombreux Objectifs de développement durable. Il s’agit notamment des objectifs ciblant l’environnement, comme l’ODD 13 (Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques), l’amélioration des soins médicaux, comme l’ODD 3 (Bonne santé et bien-être), l’apprentissage, comme l’ODD 4 (Éducation de qualité) et l’inégalité, notamment l’ODD 5 (Égalité entre les sexes) et l’ODD 10 (Inégalités réduites).
G : utilisation dans le cadre de l’actionnariat actif
Étant donné son immense potentiel, à quoi l’IA peut-elle servir en matière de gouvernance ? Robeco est en train de développer des programmes permettant d’analyser des milliards de fragments de données d’entreprises. L’objectif est d’identifier des modèles récurrents qui vont guider la conception de ses politiques d’actionnariat actif.
L’actionnariat actif consiste à analyser les performances de l’entreprise afin de se préparer pour les décisions soumises au vote et d’élaborer une stratégie de dialogue actionnarial si des problèmes sont constatés. Les dialogues qui s’ensuivent sont l’occasion de rencontrer personnellement les représentants de l’entreprise.
« L’IA peut donc aider les spécialistes du stewardship à affiner leur analyse et à gagner en efficacité dans leurs contacts avec les entreprises », constate Michiel van Esch, responsable du vote chez Robeco. « Elle sert de plus en plus à effectuer des travaux préparatoires, à collecter des données, à optimiser le reporting et à détecter des changements dans les informations publiées par les entreprises. »
Et comme les machines ont des capacités exceptionnelles pour ce qui est d’identifier les valeurs aberrantes dans de grands volumes de données, l’IA peut également être un outil pour la conformité et l’audit des entreprises. Son aptitude à révéler aux responsables de la conformité les traits de personnalité indésirables de leurs collaborateurs a été récemment évoquée dans une bande dessinée d’Alex, un banquier d’affaires fictif de la City de Londres, publiée dans le Daily Telegraph2.
Du détecteur de mensonges au jargon chinois
Cette aptitude à identifier des schémas émotionnels récurrents chez les humains n’est pas nouvelle : les tests polygraphiques y recourent depuis longtemps pour détecter les mensonges. Mike Chen s’en est servi pour créer un dictionnaire évolutif du jargon chinois de l’investissement.
La majeure partie du marché des actions chinoises de classe A est influencée par le sentiment des investisseurs particuliers, qui sont moins avertis et expérimentés. Un programme de NLP a été utilisé pour lire les blogs d’investissement en chinois, dans lesquels le jargon local est couramment utilisé, afin de mieux comprendre quelles actions emportaient la préférence des investisseurs et pourquoi3.
« Comme dans le cas du jargon chinois, le NLP est capable d’identifier le sentiment exprimé, ce qui permet de déterminer si la personne est très vague ou très spécifique », explique Mike Chen. « Nous menons actuellement un projet visant à détecter de cette façon les tentatives de greenwashing. »
L’ascension des machines
Mais la véritable question n’est pas de savoir comment l’IA pourrait améliorer la gouvernance d’entreprise ou détecter le greenwashing, mais plutôt de savoir à quel type de gouvernance la technologie est elle-même assujettie. Certains redoutent que l’IA acquière une forme de sensibilité et de conscience, et qu’elle devienne ainsi une menace pour l’humanité. Pourrait-elle un jour devenir une forme de vie ? En mars dernier, des dirigeants du secteur des technologies, dont Elon Musk, ont même demandé que les travaux sur l’IA soient suspendus pendant six mois, jusqu’à ce que tous les risques soient connus4.
Si la révolte de l’IA contre ses créateurs humains constitue un scénario de films à succès, Mike Chen et le Pentagone, dont l’expertise en matière de défense mondiale est unanimement reconnue, estiment qu’il s’agit d’une catastrophe purement hollywoodienne. « Je pense qu’il est possible de créer ce que nous appelons une ‘intelligence générale artificielle’ (AGI) capable d’éprouver des sensations, mais certainement pas à l’heure actuelle », souligne Mike Chen.
« Cela fait des dizaines d’années que l’on parle de transférer la conscience humaine dans une sorte de cadre informatique ou de transformer nos rêves en images audiovisuelles. Mais personne n’a jamais compris comment y parvenir. »
Pas de boîte de Pandore
Le ministère américain de la Défense est lui aussi d’avis que les machines ne vont pas se retourner contre nous. Il a mis sur pied un groupe de travail appelé « Taskforce Lima » pour étudier les risques présentés par les dernières évolutions de l’IA au cas où elle deviendrait une menace pour l’humanité. Néanmoins, Craig Martell, directeur de l’intelligence numérique au Pentagone, est convaincu qu’il ne faut pas s’inquiéter de sitôt.
« Ce n’est ni une panacée ni une boîte de Pandore », a-t-il déclaré lors d’un entretien à l’occasion d’un salon de l’armement tenu à Londres en septembre dernier5 . « La valeur de cette technologie dépendra entièrement de la quantité et de la qualité des données dont nous disposons. Une grande partie de ces données n’ont pas été analysées ni catégorisées. Ce n’est donc pas de l’information, c’est du bruit. »
Le Pentagone utilise l’IA uniquement pour rédiger des mémos.
Craig Martell a déclaré qu’actuellement l’IA n’était pas suffisamment fiable pour être utilisée au sein du ministère de la Défense, « à l’exception de la rédaction de la première version d’un mémo ». Pourtant, Vladimir Poutine a déclaré un jour que la nation qui domptera l’IA « dirigera le monde » et la Chine développe ouvertement des applications militaires pour cette technologie, ce qui a conduit le Congrès américain à exiger que le Pentagone maîtrise l’IA avant les ennemis des États-Unis.
Elle avance à la vitesse de la lumière, mais pas nous
Mike Chen ajoute qu’il ne faut pas non plus se laisser leurrer en croyant que l’IA pourra nous faire voyager à la vitesse de la lumière ou dans le temps, comme dans les films de science-fiction. « Il y a des choses qui ne changent pas : il existe des constantes physiques universelles », fait-il observer. « Je ne pense pas que vous puissiez déjouer les lois de la physique pour l’instant.
Ce qui est surprenant, toutefois, c’est la vitesse inouïe à laquelle l’IA progresse. On dirait qu’il y a une nouvelle innovation tous les deux jours. La dernière en date, c’est que l’IA peut lire un code informatique ou une feuille de calcul et vous dire avec des mots à quoi ils servent. C’est vraiment extraordinaire. »
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Deepfake : le côté obscur de la Force
La réglementation pourrait être au cœur des initiatives visant à mettre un terme à toute menace, réelle ou imaginaire, posée par l’IA. L’une des utilisations à mauvais escient de cette technologie est le « deepfake », c’est-à-dire la création de vidéos, d’images et de discours truqués, mais d’un réalisme effrayant.
Un grand nombre de personnes ne savent pas faire la différence entre l’IA et la réalité. C’est ce qu’on a pu constater en octobre 2023, avec la diffusion d’un enregistrement audio imitant la voix de Sir Keir Starmer, chef du Parti travailliste (principal parti d’opposition britannique), en train d’injurier un collègue. Cet enregistrement a fait le buzz sur les réseaux sociaux avec 1,5 million de vues sur la plateforme X (anciennement Twitter) avant qu’il soit signalé comme étant un deepfake6 .
« C’est comme pour tout », constate Mike Chen, « il y a des avantages et des inconvénients. Prenons l’exemple d’Internet : il peut être utilisé en bien ou en mal. Dans l’ensemble, Internet a procuré de grands avantages. Il nous permet de communiquer beaucoup plus facilement, il a réduit les obstacles interdisant l’accès à l’information et il nous a ouvert les portes du e-commerce. Mais il y a aussi beaucoup d’inconvénients, comme les escroqueries en ligne, les prédateurs en ligne, les abus sur les réseaux sociaux et la diffusion instantanée de fausses informations.
La possibilité de créer des deepfakes convaincants ou des faits se substituant à la réalité pose indéniablement un problème énorme. Mais tout dépend des utilisateurs et je ne pense pas que nous pourrons éliminer définitivement les personnes animés de mauvaises intentions. »
« Tout n’est pas noir ou blanc, il existe toute une palette de gris en fonction de la culture, du contexte et des différents systèmes de valeurs. L’impression 3D, c’est fantastique... jusqu’à ce que quelqu’un s’en serve pour fabriquer une arme à feu. »
Pas d’option nucléaire
Selon Mike Chen, le fait que les armes nucléaires n’ont jamais été utilisées depuis le bombardement du Japon en 1945, et ce malgré leur prolifération à l’échelle mondiale, montre que l’humanité est capable de gérer des menaces susceptibles d’entraîner sa propre destruction.
« Je suis convaincu que l’humanité est capable de maîtriser l’IA de façon à ce qu’elle ne provoque pas de catastrophe », affirme Mike Chen. « Mon optimisme prudent me porte à croire qu’on trouvera un moyen de la réglementer. »
Mais ce qui compte le plus, c’est que les gouvernements du monde entier travaillent en étroite collaboration, comme pour la lutte contre le réchauffement climatique. « Il faut un leadership commun, ce qui pourrait être une véritable gageure, ajoute-t-il, mais un cadre d’envergure mondiale, comme celui de l’Accord de Paris, est indispensable pour parvenir à une sorte de régime réglementaire unifié. »
Mais Mike Chen estime que des limites s’imposent dans ce domaine aussi si l’on veut que les progrès fulgurants de l’IA se poursuivent et que la réglementation n’étouffe pas l’innovation. Pratiquement tous les progrès technologiques observés au cours des cinquante dernières années, depuis les smartphones jusqu’à la mise au point de vaccins contre le Covid-19, ont été portés par les visées lucratives du secteur privé.
D’ici à la lune
Il y aura un revers de la médaille. Les machines à vapeur ont remplacé les chevaux, au grand dam des forgerons, et les médias numériques ont sonné le glas des journaux, des cassettes vidéo et de la majeure partie du secteur du film photographique. Mais le progrès technologique a aussi ses limites : bien que le premier pas sur la lune ait signé la plus grande prouesse de l’humanité, personne n’y est retourné depuis, et nous sommes loin d’avoir colonisé d’autres planètes.
Il est préférable d’envisager l’IA comme une innovation technologique de rupture en attente d’une utilisation finale bénéfique. Un peu comme l’électricité, qui est simplement un moyen de faire tout fonctionner chez vous, depuis les éclairages du plafond jusqu’au sèche-cheveux, mais aussi les prochaines fusées envoyées sur la lune !
« Ce qui est extraordinaire avec l’IA, ce n’est pas seulement ce qu’elle peut faire en soi », remarque Mike Chen, « mais ce qu’elle permet de réaliser quand on la conjugue à d’autres innovations, exactement comme l’électricité.
En fin de compte, la machine à vapeur a permis d’économiser la main-d’œuvre. De même, l’IA peut nous faire passer au niveau supérieur en s’améliorant constamment, comme l’implique le machine learning.
Il faut juste veiller à en garder la maîtrise... au cas où elle finirait par prendre le contrôle. »
Notes de bas de page
1 « How AI accelerates the energy transition » | Open Innovability | Open Innovability (enel.com)
2 Bande dessinée Alex
3 « Teaching Machines to Understand Chinese Investment Slang » (https://www.pm-research.com/content/iijjfds/2/1/116)
4 https://www.reuters.com/technology/musk-experts-urge-pause-training-ai-systems-that-can-outperform-gpt-4-2023-03-29/
5 « US defence chief insists world ’nowhere close’ to existential AI threat » | Science & Tech News | Sky News
6 https://www.politico.eu/article/uk-keir-starmer-labour-party-deepfake-ai-politics-elections/