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16-10-2023 · Interview

« Les ODD sont un moyen valable et fiable de travailler sur la question de l’impact pour les portefeuilles d’investissement »

Kees Koedijk est professeur de finance à l’université d’Utrecht et membre du Centre for Economic Policy Research de Londres. Il fait partie des trois universitaires qui siègent au Comité consultatif de Robeco pour les objectifs de développement durable des Nations Unies afin d’apporter un feed-back objectif sur la méthodologie de notation de notre cadre ODD « SDG Framework » ainsi que sur son application aux solutions d’investissement.

    Auteurs

  • Sharolyn Reynard - Investment Writer

    Sharolyn Reynard

    Investment Writer

Résumé

  1. We can capture impact in a proper way and also get good risk-adjusted returns

  2. Limiting stocks with ESG doesn’t produce a big change in risk/return outcomes

  3. Many companies are intentionally making specific choices about their impact

Vous avez commencé votre carrière dans la finance traditionnelle. Qu’est-ce qui a déclenché votre intérêt pour l’investissement et la finance durables ?

« Tout a commencé au début des années 2000, alors que j’étais professeur de finance à l’université de Maastricht aux Pays-Bas. À l’époque, je travaillais également en tant que conseiller externe pour le fonds de pension néerlandais ABP et d’autres membres de la communauté des investisseurs. L’une des questions qui revenaient sans cesse était la possibilité d’appliquer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) aux investissements. Ces questions m’ont incité, avec mes collègues de Maastricht, à étudier leur impact au niveau du portefeuille. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas de réelle différence entre les caractéristiques risque/rendement des investissements traditionnels et celles des portefeuilles durables. »1

« Il s’agissait d’une découverte très importante car, à l’époque, la plupart des universitaires et des investisseurs pensaient que les critères ESG introduiraient une nouvelle contrainte de portefeuille qui limiterait l’univers d’investissement et, au final, le potentiel de rendement d’un portefeuille. Nos conclusions inverses ont suscité beaucoup d’attention de la part des investisseurs institutionnels, des groupes de réflexion, des gouvernements et d’autres institutions, ce qui a donné lieu à de nombreux projets et collaborations sur la finance et le développement durables dans les années qui ont suivi. »

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

« Je continue à faire de la recherche dans les domaines de la finance traditionnelle et de la finance durable, et j’analyse plus particulièrement les preuves de l’impact de l’investissement durable à partir d’applications dans le monde réel. Je suis un universitaire qui apprécie la théorie et les modèles, mais je suis aussi un homme de terrain qui veut voir comment les choses évoluent dans la réalité. Pour l’instant, je concentre mon temps à étudier la manière dont les choix délibérés des investisseurs peuvent modifier les actions des entreprises et limiter les émissions de carbone et le réchauffement climatique, par exemple. »

« Avec d’autres, j’ai aidé à lancer deux sociétés distinctes, Global Property Research (GPR) et Finance Ideas, qui se concentrent sur la recherche appliquée. Une émanation de Finance Ideas est le réseau indépendant Global Real Estate Engagement Network (GREEN) – une association de gérants d’actifs et de gestionnaires d’investissements de premier plan, dont Robeco, qui se consacrent à l’intégration de critères ESG dans les investissements immobiliers et d’infrastructure. Il constitue un forum permettant notamment de partager et de comparer des données relatives aux émissions des bâtiments entre des promoteurs à l’échelle mondiale, afin d’étayer les recommandations visant à améliorer la conception et la rénovation des bâtiments. »

Comment vos recherches actuelles informent-elles et font-elles progresser l’investissement durable ?

« L’une des principales questions que se posent actuellement les chercheurs est de savoir si tous ces critères de durabilité ont un effet sur les portefeuilles ou sur les résultats réels. Mesurons-nous quelque chose de réel ou s’agit-il de greenwashing ? Une chose amusante que j’ai observée est la façon dont le marché de l’investissement durable a évolué après l’entrée en vigueur des critères ESG et du règlement de l’UE sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Je travaille actuellement sur l’impact pour les acteurs du marché de la classification des produits d’investissement en fonction de leur niveau de durabilité intégrée. La presse en fait parfois une lecture négative, mais j’ai constaté que les investisseurs ont utilisé les critères ESG de manière positive et mesurable, notamment par le biais des frais, de la performance et du comportement. Nous n’avons trouvé aucune preuve tangible de greenwashing. »

« En termes d’impact, la question clé est de savoir si on peut l’appréhender de manière appropriée tout en obtenant de bonnes performances ajustées du risque. Je pense que les ODD constituent un moyen valable et fiable de travailler sur la question de l’impact pour les portefeuilles d’investissement. C’est certainement le cas lorsque vous disposez d’un actif physique tel qu’un bâtiment ou une infrastructure dont vous pouvez mesurer concrètement les émissions et les effets. »

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A-t-il été décourageant de ne pas trouver de différence de performance entre les portefeuilles traditionnels et ceux qui intègrent des critères ESG ?

« Non, absolument pas. Dans le domaine de la finance, on pensait jusqu’à présent qu’en limitant le choix, on aggravait le rapport risque/rendement. Et tout le monde pensait que l’intégration de critères ESG limiterait le choix, réduirait la diversification et diminuerait les performances attendues. Mais nous avons découvert que le fait de limiter le nombre de titres en raison de l’intégration de critères ESG ne produisait pas vraiment un grand changement dans les résultats risque/rendement par rapport aux portefeuilles traditionnels. »

« C’est une bonne chose, car cela montre que le profil risque-rendement d’un portefeuille – qui est essentiel pour les investissements – ne se dégrade pas du fait de l’intégration de critères ESG. Dans le même temps, vous permettez à votre produit d’être plus ciblé et aligné sur les valeurs, les priorités ou les convictions de l’investisseur. Nous pensons souvent que l’efficience des marchés signifie que les marchés vont s’occuper de tout, mais ce n’est pas le cas. Vous devez entretenir votre propre thèse, votre propre objectif, vos propres idéaux. Le marché ne le fera pas pour vous. »

« En outre, l’investissement durable permet de réaligner la société et l’investissement qui, jusqu’à présent, suivaient des trajectoires différentes. Si les investisseurs souhaitent investir dans des entreprises dont l’empreinte environnementale est moindre ou qui sont alignées sur les ODD, ils peuvent le faire sans nuire aux rendements. »

Les gérants d’actifs n’essaient-ils pas encore de trouver un effet alpha (battre l’indice de référence) grâce aux critères ESG ?

« Il est très difficile d’obtenir de l’alpha continu et durable à partir des mêmes critères de durabilité sur le long terme. Au début, lors du lancement d’un nouveau produit durable, il est possible de capter de l’alpha pendant une courte période, peut-être trois ou quatre ans, car l’alpha à partir de la durabilité existe. Mais il faut être vigilant car les marchés sont super efficients. Nous l’avons constaté dans nos recherches dès le début des années 2000, les caractéristiques de gouvernance étant déjà bien intégrées dans les cours des actions. Elles ont été suivies par les critères ‘E’ et ensuite ‘S’. »

« Les séries de données sont mises à jour en permanence et les acteurs du marché les surveillent de près et apprennent rapidement. Toutes ces informations sont intégrées dans les cours des actions. Outre la génération d’alpha, les produits durables devraient présenter d’autres attributs importants pour les investisseurs, tels qu’un meilleur alignement de la valeur. Les produits durables ne devraient pas être achetés ou vendus uniquement en fonction de la nécessité de générer de l’alpha. »

Comment les entreprises et les pays se classent-ils en matière de durabilité ?

Découvrez les contributions des entreprises aux Objectifs de développement durable et le classement des pays selon des critères ESG.

En savoir plus

Le SFDR met l’accent sur le concept de « double matérialité », à savoir l’impact d’une entreprise sur le monde et l’impact du monde sur l’entreprise. Que pensez-vous de l’impact du SFDR sur les investissements ?

« Je suis positif quant aux effets du SFDR. Je pense que c’est une bonne chose que l’Europe prenne l’initiative et les devants dans ce domaine. Le règlement attire réellement l’attention des investisseurs sur des objectifs plus sociétaux et environnementaux. Du côté négatif, on pourrait dire qu’il va alourdir la bureaucratie, mais du côté positif, il offre un avantage concurrentiel. Il devrait inciter les investisseurs à repenser et à réaligner leurs portefeuilles. »

« Je peux déjà constater que cela fait avancer les choses de manière positive. Je siège dans de nombreux comités consultatifs d’investissements et, il y a deux ans encore, personne n’y prêtait attention. Mais aujourd’hui, ils s’y engagent à fond, repensent ce qu’ils font et demandent à leurs membres et aux parties prenantes quelles sont leurs préférences. »

Les dirigeants d’entreprise, les chefs de gouvernement, la communauté des investisseurs, et même les célébrités, parlent des ODD. Comment expliquez-vous leur popularité ?

« Tout le monde était à la recherche d’un langage commun et les ODD l’ont apporté. Le réchauffement climatique a montré que nous ne pouvons plus nier les impacts négatifs des activités des entreprises. Les entreprises, les gouvernements et les investisseurs doivent faire face à ces problèmes concrets, car ils ne sont pas près de disparaître. Les ODD sont dix-sept objectifs qui définissent et prioritisent des défis durables de taille qui, comme le réchauffement climatique, représentent un risque pour l’activité économique mondiale. »

« Un autre aspect intéressant est qu’ils ont été standardisés dès le départ et qu’ils sont relativement simples en termes d’objectifs et d’indicateurs pour mesurer les progrès réalisés. Cela a aidé les entreprises, les investisseurs et une large communauté de parties prenantes à les utiliser pour mesurer, gérer et rendre compte de leur impact. »

« Mais l’idée et la dynamique qui sous-tend la prise en compte de l’impact réel dans les investissements existent depuis longtemps, elles n’étaient tout simplement pas visibles. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui n’est que la partie émergée de l’iceberg. Dans la partie immergée, il y a plus de deux décennies de travail de la part d’universitaires, de membres de la communauté des investisseurs et d’autres parties prenantes. Par ailleurs, le climat a aussi été une force motrice du changement. Cet enjeu de durabilité s’est transformé en une crise mondiale inéluctable à laquelle les entreprises, les gouvernements, les consommateurs et les investisseurs sont contraints de faire face. Cela a renforcé l’attention portée à ce qui pourrait être le prochain défi en matière de durabilité, avec des ramifications mondiales. »

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En ce qui concerne les ODD, les données et les publications des entreprises sont-elles adéquates pour mesurer l’impact ?

« De nombreuses entreprises font intentionnellement des choix spécifiques en ce qui concerne leur impact. Unilever en est un bon exemple. L’entreprise se consacre énormément à la création de ce que nous appelons la « valeur partagée » entre les parties prenantes. Ils ont analysé de près ce qu’ils produisent et où ces produits apportent des avantages positifs, mais aussi des effets négatifs dans leurs chaînes d’approvisionnement. Ils ont identifié ce qu’ils peuvent éliminer du processus et les étapes nécessaires pour y parvenir. Ce type de création de valeur partagée et les avantages concurrentiels qui en découlent gagnent vraiment du terrain dans les entreprises, avec le soutien d’universitaires d’écoles de commerce tels que Porter et Kramer, de Harvard.2 C’est une toute nouvelle façon d’envisager son activité que de nombreuses entreprises sont en train d’adopter. »

« Nous n’en sommes qu’aux prémices et nous constatons également une certaine opposition. Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui affirment que l’objectif principal d’une entreprise est de générer des bénéfices pour les actionnaires. Mais je pense que la « création de valeur partagée » devrait faire partie de la mission d’une entreprise et que de ce fait, mesurer l’impact ne risque pas de disparaître. »

En quoi la mesure ODD diffère-t-elle de l’intégration des critères ESG ? Qu’est-ce que l’un mesure que l’autre ne mesure pas ?

« J’aime les ODD parce qu’ils sont standardisés, tournés vers l’avenir et axés concrètement sur des défis sociétaux spécifiques. Les critères ESG, quant à eux, ont tendance à être non standardisés, rétrospectifs et beaucoup trop flous et qualitatifs. Pour être honnête, en tant qu’universitaire, je dirais que le jury n’a pas encore tranché. L’avantage des ODD est qu’il s’agit d’un cadre normalisé et accepté à l’échelle mondiale. Le monde financier les a acceptés et adoptés, tout comme le monde réel. Cette acceptation est en partie due à l’utilisation d’indicateurs de mesure simples, présentés dans un langage simplifié qui trouve un écho auprès des entreprises. »

Les ODD peuvent-ils être utilisés pour générer de l’alpha ? Est-ce une attente appropriée de la part des investisseurs ?

« Comme pour toute innovation, il est possible de générer de l’alpha, c’est certain. Mais cela ne devrait pas être le principal argument de vente du produit. Les gestionnaires ne doivent pas oublier ce à quoi ils sont confrontés : un marché d’investisseurs très efficient et adaptatif. Les effets des informations ODD sur les cours boursiers pourraient s’atténuer très rapidement, car la plupart des investisseurs vont dans la même direction. Je pense qu’il est beaucoup plus important de se concentrer sur l’alignement de valeur et les objectifs en matière d’impact. Le secteur financier a trop longtemps négligé les impacts sociétaux et environnementaux des entreprises ; les ODD sont un outil qui nous aide à revenir sur la bonne voie. »

Les entreprises ne risquent-elles pas d’utiliser les ODD à mauvais escient, de choisir uniquement ce qu’elles veulent divulguer ?

« Certaines le feront certainement, mais cela ne doit pas nous empêcher de continuer à mesurer et à plaider en faveur de la divulgation d’informations par les entreprises. Nous devons adopter une perspective à long terme et réaliser qu’il s’agit d’un enjeu énorme pour les entreprises, qui ne s’est imposé qu’au cours des trois à cinq dernières années. Auparavant, si les chercheurs s’intéressaient à l’étude de l’impact, les entreprises n’étaient quant à elles pas vraiment incitées à mesurer, surveiller et divulguer quoi que ce soit. »

« Les entreprises ont compris à présent l’importance des ODD pour leurs clients, leurs fournisseurs, les investisseurs et les autorités de régulation. Avec autant d’observateurs, les entreprises se rendent compte de la nécessité d’être claires et transparentes. C’est pourquoi j’apprécie l’initiative SI Open Access de Robeco, qui permet de rendre publics les résultats des entreprises. Avec le temps, j’ai bon espoir que les entreprises parviendront à mieux mesurer et communiquer leurs résultats. »

Ce Q&R est une version abrégée d’une interview complète du professeur Koedijk dans le nouveau Grand Livre de l’Investissement Durable. Téléchargez-le ici.


Notes de bas de page

1 Bauer, Rob, Kees Koedijk et Rogér Otten. 2005. “International Evidence on Ethical Mutual Fund Performance and Investment Style.” Journal of Banking and Finance 29 (7): 1751–1767. doi:10. 1016/j.jbankfin.2004.06.035.
2 Kramer, M. R., et Porter, M. (2011). Creating shared value. Harvard Business Review, 89(1/2), 62-77.