Cette décision fait suite à l’adoption par les gouvernements de mesures favorables à l’enfouissement à long terme des déchets nucléaires en couche géologique profonde dans huit pays, le premier site de stockage devant entrer en fonction dans le courant de l’année.
L’énergie nucléaire n’est pas dénuée de risques en raison des accidents potentiels, tels que ceux de Tchernobyl et de Fukushima, et de la radioactivité inhérente des déchets. Mais c’est une énergie dont la production n’émet aucun gaz à effet de serre. Elle est donc idéale pour atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici 2050, à condition que les risques puissent être maîtrisés.
Cadre ODD
Robeco a actualisé sa politique d’investissement concernant les producteurs d’énergie nucléaire. Le système de notation utilisé par son cadre ODD exclusif, qui mesure les contributions des entreprises à un ou plusieurs des 17 Objectifs de développement durable, a été modifié.
Il s’agit d’un système de notation allant de -3 (très négatif) à +3 (très positif) en passant par 0 (neutre). Pour l’énergie nucléaire, ce système s’appuie principalement sur l’ODD 7 (énergie propre et d’un coût abordable) et l’ODD 12 (mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques).
Avec la politique précédente, une entreprise productrice d’énergie nucléaire ne pouvait pas obtenir un score positif et n’était donc pas éligible pour la plupart des stratégies de la gamme de produits de Robeco axés sur le développement durable, y compris le fonds Net Zero 2050 Climate Equities et les portefeuilles axés sur le thème des ODD.
Désormais, une note maximale de +1 est possible, à condition que l’équipe d’investissement soit convaincue que les critères de sécurité et de gestion des déchets puissent être respectés. Les entreprises de services aux collectivités qui sont impliquées dans la production d’énergie nucléaire seront ainsi éligibles à un certain nombre de stratégies d’investissement de Robeco, alors qu’auparavant elles ne pouvaient pas obtenir un score supérieur à zéro. Si les entreprises impliquées dans le nucléaire ne répondent pas à ces critères, elles obtiendront tout de même des notes négatives et resteront inéligibles.
Cette méthodologie s’applique principalement au pays dans lequel l’entreprise exerce ses activités. Huit pays élaborent actuellement une technologie d’enfouissement en couche géologique profonde suffisamment avancée pour obtenir une note positive : la France, la Finlande, la Suède, le Canada, la Chine, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni.
Évaluer le niveau de sécurité dans les pays
« Puisque la décision concerne les déchets, nous allons utiliser des critères qui nous permettront de dire si la gestion des déchets fortement radioactifs ne présente aucun danger dans ces pays », explique Philipp Kehrein, analyste Investissement durable - Services aux collectivités chez Robeco.
« Nous avons déjà évalué les pays sur le plan de la sécurité nucléaire, concernant l’utilisation des combustibles nucléaire et le traitement des matières radioactives, et leur implication éventuelle dans la fabrication d’armes.
Ce qui est nouveau, c’est la façon dont nous notons les pays qui ont annoncé publiquement qu’ils allaient créer des sites permanents de stockage des déchets nucléaires en couches géologiques profondes. Ce sont ces pays que nous pouvons désormais considérer comme sûrs. »
La Finlande est bien avancée
L’indice de sécurité nucléaire de la Nuclear Threat Initiative (NTI) sera utilisé pour déterminer s’il sera possible de créer un site de stockage en couche géologique profonde d’ici 2050, l’année désignée par l’Accord de Paris pour atteindre la neutralité carbone. Aucun pays ne dispose encore d’un site de ce type, mais la Finlande est bien avancée et son site pourrait ouvrir dans le courant de l’année.
« Le site de stockage en couche géologique profonde est conforme au principe de la Taxonomie de l’UE de ‘ne pas causer de préjudice important’. Donc, tout pays qui a des plans sérieux et solides pour ouvrir un site d’ici 2050 est aligné sur la taxonomie », fait observer Philipp Kehrein.
Bien que l’accent soit mis sur les sites de stockage du pays, les scores ODD sont attribués aux entreprises. « Si une entreprise est implantée dans plusieurs pays, nous évaluons chacun de ces pays pour calculer un score global », explique Philipp Kehrein.
« La plupart des entreprises de services aux collectivités exercent leurs activités dans un seul pays, mais il y en a quelques-unes qui interviennent dans plusieurs pays. Une fois qu’un score positif est obtenu, il ouvre la porte à un investissement. Mais cela ne veut pas dire que nous allons foncer tête baissée : il faudra effectuer au préalable une analyse minutieuse. »
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Une exposition indispensable
Une telle analyse est déjà menée par l’équipe Net Zero 2050 Climate Equities qui souhaite inclure dans son portefeuille des producteurs d’énergie nucléaire qui, jusqu’à présent, ne remplissaient pas les conditions requises en termes de scores ODD.
« Le nucléaire fait son retour en grâce, car il peut jouer un rôle important dans une économie mondiale à faible émission de carbone », déclare Chris Berkouwer, gérant de portefeuille de la stratégie zéro émission nette lancée en 2022. « Après être resté dans l’ombre pendant longtemps, le nucléaire a connu une véritable renaissance au cours des dernières années.
C’est la décision d’atteindre la neutralité carbone, ainsi que les préoccupations croissantes concernant la sécurité énergétique, qui y ont contribué. Bien qu’il présente plusieurs inconvénients, qui sont tous pris en compte par notre cadre ODD rigoureux, le nucléaire a le grand avantage de fournir une source stable et continue d’énergie propre.
De toutes les sources d’énergie, il possède également la densité de puissance de loin la plus élevée si l’on prend en compte l’espace nécessaire au sein des installations. Il est en outre intéressant en matière d’investissement, car il s’inscrit dans une approche quelque peu contrariante.
D’après nous, l’exposition au nucléaire est indispensable dans notre boîte à outils de solutions à long terme. C’est pourquoi nous soutenons fortement les changements de politique qui permettent des investissements dans ce domaine. »
La trajectoire vers la neutralité carbone prend de l’ampleur
Ce changement de politique s’inscrit dans le cadre d’un élargissement de la responsabilité qu’endosse Robeco en matière de lutte contre le réchauffement climatique au moyen de sa feuille de route pour la décarbonation adoptée en 2021. L’Accord de Paris appelle le monde à limiter, d’ici 2100, le réchauffement par rapport aux niveaux préindustriels à 2 °C, et idéalement à 1,5 °C, niveau auquel les effets destructeurs du réchauffement climatique sont plus facilement gérables. Pour y parvenir, le monde doit atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Pourtant, les statistiques les plus récentes montrent que 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et que le réchauffement de la planète est déjà de 1,5 °C ou presque. Lucian Peppelenbos, stratégiste climat et biodiversité chez Robeco, rappelle que, les phénomènes météorologiques devenant de plus en plus extrêmes, il est d’autant plus important de trouver des moyens de réduire les émissions.
L’urgence climatique s’aggrave
« La révision de la politique concernant le nucléaire est le reflet de ce qui s’est passé ces deux dernières années, au cours desquelles les effets du réchauffement climatique ont pris de l’ampleur beaucoup plus rapidement que ce que la science avait prévu », constate Lucian Peppelenbos. L’urgence climatique s’aggrave donc de jour en jour.
Dans le même temps, nous constatons que la trajectoire actuelle nous dirige, non pas vers 1,5 °C, mais plutôt vers 2,4 °C, et ce malgré une augmentation massive des énergies renouvelables. La croissance actuelle des énergies renouvelables n’est pas suffisante pour stopper l’augmentation des émissions provenant des énergies fossiles. Il nous faut donc ajouter des outils à notre panoplie, notamment le nucléaire. »
Le sort du nucléaire est désormais entre les mains de la COP
« Pour la première fois, après 28 sommets organisés depuis 1992, le rôle du nucléaire a été reconnu dans la résolution de la COP28 en décembre. Cela signifie que 198 pays approuvent le rôle de l’énergie nucléaire dans la transition vers la neutralité carbone, y compris des pays qui n’en raffolent pas vraiment, comme l’Allemagne.
La conclusion que nous en tirons, en tant que spécialistes de l’investissement durable, est que nous devrions nous positionner dans ce secteur et commencer à investir dans ces entreprises. Entamons un dialogue avec elles. Parlons du développement technologique et de tous les risques qui existent, et impliquons-nous de manière responsable. »