25-06-2024 · Perspectives trimestrielles

Perspectives Crédit : Plus ça change…

Le deuxième trimestre 2024 pourrait bien marquer l'histoire comme une série de mois très ennuyeux pour les investisseurs en obligations d'entreprise, du moins dans le segment Investment Grade. En tout cas, jusqu'à ce que le président français Emmanuel Macron appelle de manière inattendue à des élections législatives anticipées.

Télécharger la publication


    Auteurs

  • Sander Bus - CIO High Yield, Portfolio Manager

    Sander Bus

    CIO High Yield, Portfolio Manager

  • Matthew Jackson - Portfolio Manager

    Matthew Jackson

    Portfolio Manager

Il s'agit d'un pari risqué qui pourrait permettre au parti de droite de Mme Le Pen d'entrer au gouvernement. À ce jour, la volatilité qui s'en est suivie a touché le plus fortement les obligations bancaires et souveraines françaises. La principale inquiétude du marché ne semble pas concerner le « Frexit », mais plutôt la perspective de largesses budgétaires, aggravant les indicateurs déjà tendus du crédit souverain.

À l'heure où nous rédigeons cet article, nous ignorons le résultat final des élections, mais cet épisode nous rappelle à point nommé que des événements inattendus peuvent engendrer une volatilité importante. Il est clair que ce phénomène est ressenti plus intensément lorsque les valorisations sont élevées et que les prévisions générales pointent fortement dans la même direction.

Nous visons un positionnement plus neutre sur le segment des obligations Investment Grade et les marchés émergents, et nous nous attachons à générer de l'alpha via la sélection d'émetteurs. Au sein du High Yield, nous continuons d'adhérer à notre préférence pour la qualité, d'où notre beta inférieur par rapport à l'indice de référence. (Lisez les Perspectives de l'équipe Global Macro.)

Fondamentaux

Les statistiques économiques aux États-Unis ont continué de brosser le tableau d'une économie résiliente. En effet, la plupart des commentateurs ont abandonné l'idée que l'économie finirait par exploser ou s'effondrer en raison du cycle de hausses le plus marqué de ces dernières années. Le scénario « Boucle d'or », qui intègre une croissance plus modérée, un ralentissement de l'inflation et la perspective de baisses imminentes des taux, reste le consensus sur l'ensemble du marché. Si ce scénario se réalise, il devrait conduire à des fondamentaux solides favorables à l'investissement obligataire, qu'il s'agisse des taux ou du crédit.

En Europe, le débat est plus nuancé. Au début de ce mois, la première baisse des taux d'intérêt a été opérée comme prévu, bien que la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, ait souligné que les futures mesures dépendraient des données. Bien que les prévisions de croissance se soient améliorées tout au long de l'année et que la confiance des ménages ait visiblement augmenté, les récentes crises politiques (et géopolitiques) rendent l'avenir un peu plus difficile à prévoir.

Les fondamentaux des entreprises semblent globalement solides

Les fondamentaux des entreprises semblent globalement solides. En ce qui concerne le segment Investment Grade, l'expiration en masse des échéances de la dette à des rendements très faibles post-Covid a clairement protégé de nombreux emprunteurs de la hausse des taux d'intérêt. L'endettement sur les marchés Investment Grade et High Yield a légèrement augmenté par rapport aux niveaux les plus bas enregistrés récemment, mais il ne semble pas constituer une source d'inquiétude majeure. De même, les taux de couverture des intérêts ont diminué, mais restent à des niveaux acceptables. Dans l'ensemble, les marges et les liquidités demeurent solides. Les taux de défaut dans le segment High Yield ont augmenté au cours des derniers trimestres, mais sont encore à des niveaux relativement bas. Les murs d'échéance des obligations High Yield semblent gérables, du moins pour le reste de l'année et l'année prochaine. Si l'augmentation du coût de la dette peut s'avérer douloureuse pour certains, elle peut aussi constituer une forte incitation au désendettement.

Quoi de neuf dans les crédits ?

Gardez une longueur d'avance avec notre newsletter sur les derniers développements en matière d'investissement crédit.

Découvrez les crédits

Valorisations

En tant qu'investisseurs en crédit, notre principale méthode d'évaluation de la valeur sur le marché consiste à examiner les spreads. En nous basant sur un historique de 20 ans, nous constatons que les spreads des obligations Investment Grade américaines semblent actuellement très faibles. C'est particulièrement vrai pour les valeurs industrielles, qui se situent actuellement autour du 4e centile des observations historiques. En comparaison, le marché européen n'apparaît pas aussi onéreux, avec des spreads se situant plus ou moins au 50e centile sur la même période. Dans les deux cas, les valeurs financières semblent offrir une valeur relative supérieure à celle des valeurs non financières.

Nous observons une situation similaire dans le segment High Yield. Le marché américain semble onéreux par rapport au marché européen, même si, aux environs du 23e centile, il est difficile de déceler une valeur intéressante dans le marché européen pris isolément. L'exception notable est la catégorie notée CCC, où se trouve le groupe de valeurs le plus en difficulté. Nous qualifions souvent l’ensemble de ces données de « ratio rendement/spread fantôme », car il est peu probable qu'elles se concrétisent.

Facteurs techniques

Au dernier trimestre 2023, le marché du crédit a semblé accueillir favorablement la perspective d'importantes baisses des taux directeurs au cours de l'année 2024 et au-delà, atténuant ainsi les craintes de récession de l'époque. Pourtant, la caractéristique principale de 2024 a été jusqu'à présent l'inversion de ces prévisions, tant en ce qui concerne le calendrier que l'ampleur de l'assouplissement de la politique.

Alors pourquoi la demande de crédit reste-t-elle aussi forte ?

Il peut donc sembler quelque peu contre-intuitif que les spreads de crédit aient continué de se resserrer, alors que la probabilité de taux d'intérêt « plus élevés pendant plus longtemps » a augmenté. Alors pourquoi la demande de crédit reste-t-elle aussi forte, avec des spreads encore plus serrés et une offre excédentaire ?

La réponse, selon nous, réside dans le « rendement global », les spreads pouvant passer au second plan pour de nombreux investisseurs.

Comme nous l'avons déjà décrit plus en détail, il va sans dire que les spreads de crédit sont loin d'être bon marché aux niveaux actuels. Toutefois, si l'on se place du point de vue des « rendements globaux », on perçoit une situation différente. Au cours de la dernière décennie, les rendements de la plupart des catégories de crédit mondiales se situent actuellement dans le percentile 80+ % des observations historiques.

Même si nous devons essayer de comprendre et de respecter en toutes circonstances les facteurs techniques, l'expérience nous montre également qu'ils peuvent changer très rapidement. Dans un contexte de déséquilibre entre l'offre et la demande, les spreads peuvent évoluer beaucoup plus à la hausse ou à la baisse que ce que pourraient indiquer les fondamentaux, et cette situation peut perdurer longtemps.

Télécharger la publication