26-03-2024 · Perspectives trimestrielles

Perspectives Crédit : Nivellement vers le bas

Le scénario idéal pour le crédit, caractérisé par une décrue de l’inflation et l’évitement probable d’une récession, semble se concrétiser. L’appétit prononcé pour le risque des acteurs du marché est-il un signe que ces derniers sont trop complaisants ?

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    Auteurs

  • Sander Bus - CIO High Yield, Portfolio Manager

    Sander Bus

    CIO High Yield, Portfolio Manager

  • Reinout Schapers - Portfolio Manager

    Reinout Schapers

    Portfolio Manager

Tout en reconnaissant la forte probabilité du scénario prôné par les analystes, nous restons attentifs à la fragilité du sentiment et à l’omniprésence des risques dans un monde en pleine mutation. Au vu de la faiblesse actuelle des valorisations et du positionnement en matière de risque, la probabilité de déception est grande.

Nous maintenons un positionnement neutre sur le segment des obligations Investment Grade et les marchés émergents, et nous nous attachons à générer de l’alpha via la sélection d’émetteurs. Au sein du High Yield, nous adhérons fermement à notre préférence pour la qualité, d’où notre beta inférieur à 1. Selon nous, ce n’est pas le moment opportun d’augmenter le beta en recourant à des positions dérivées (derivatives overlay), car les CDS (dérivés de crédit) se négocient à un niveau inférieur à celui des marchés du cash.

Selon nous, ce n’est pas le moment opportun d’augmenter le beta

Fondamentaux

Il est crucial à nos yeux d’envisager des scénarios économiques plutôt que de se positionner sur un seul scénario de base. Au cours de l’année écoulée, le consensus du marché a évolué entre trois principaux scénarios pour l’économie américaine : atterrissage forcé, atterrissage en douceur et aucun atterrissage. Au début de l’année 2023, le consensus qui prévalait était celui d’une récession aux États-Unis. Cette prévision s’est muée en un scénario d’atterrissage en douceur pendant l’été, puis en celui d’aucun atterrissage (« taux plus élevés pendant plus longtemps ») en octobre. Le scénario d’un l’atterrissage en douceur a fait son retour en grâce sur le marché fin 2023 et reste l’opinion majoritaire à ce jour.


Ailleurs qu’aux États-Unis, le contexte mondial brosse un tableau diamétralement différent. La Chine connaît toujours un accès de faiblesse aigu, marqué par l’effondrement du marché de l’immobilier qui continue de peser sur le sentiment. Le taux de chômage s’inscrit en hausse et des pressions déflationnistes persistent. Le bout du tunnel n’est toujours pas visible, la croissance monétaire ralentissant à nouveau, malgré les efforts des autorités chinoises pour renverser la vapeur.

L’économie européenne a également traversé une phase de stagnation en 2023, en grande partie imputable à une transmission plus rapide de la politique monétaire, à des prix de l’énergie plus élevés, à une impulsion budgétaire plus faible et à une plus grande sensibilité à l’évolution du contexte chinois. Cette situation est particulièrement flagrante dans l’industrie manufacturière allemande, touchée de plein fouet par ces pressions économiques. Afin d’obtenir des explications plus exhaustive sur les perspectives macroéconomiques, veuillez consulter les perspectives de l’équipe Global Macro de Robeco : Un appétit pour le risque non dénué de risques

Valorisations

Est-il encore possible de trouver de la valeur ? À cela le gérant répondrait que, bien que les spreads soient très serrés, les sociétés financières et Investment Grade européennes présentent encore une valorisation raisonnable par rapport à d’autres marchés. Si les obligations financières se sont considérablement resserrées en valeur absolue, elles demeurent attractives par rapport aux obligations d’entreprise sur une base relative. Notre thèse d’investissement à long terme pour les financières reste aussi valable que jamais, étant donné les améliorations constatées aux niveaux des ratios de fonds propres, des liquidités et du financement depuis la crise financière mondiale. En outre, le segment des obligations SSA (souveraines, supranationales et d’agences) est une autre poche de valeur. Malgré le resserrement des spreads de swaps, ces instruments continuent de se négocier à des niveaux attractifs et se sont même élargis par rapport aux taux des swaps.

Notre thèse d’investissement à long terme pour les financières reste aussi valable que jamais

Facteurs techniques

La demande de crédit a été solide, comme en témoignent les afflux importants de capitaux dans les stratégies de crédit par les investisseurs institutionnels et particuliers. Nous avons suivi cette tendance de près et avons également observé de nombreux signent indiquant des afflux de capitaux continuels dans les produits à échéance fixe. En outre, il existe une demande en faveur du crédit à longue échéance de la part des compagnies d’assurance qui proposent des suites d’annuités aux fonds de pension d’entreprise. Cette forte demande va toutefois de pair avec une offre tout aussi abondante sur les marchés Investment Grade. Les marchés Investment Grade européens et américains se sont élargis en conséquence.

En revanche, le marché du High Yield a subi une contraction imputable à la sortie d’une série d’entreprises de l’univers d’investissement à la suite de révisions à la hausse et de refinancements en dehors des marchés publics. Cette disparité entre l’offre et la demande est l’un des facteurs qui expliquent la surperformance du High Yield. Les marchés émergents en devises fortes connaissent une tendance similaire. En effet, le marché s’y est aussi contracté, car les entreprises ont trouvé d’autres axes de financement, comme les marchés en devises locales.

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Cette forte demande va de pair avec une offre tout aussi abondante sur les marchés Investment Grade

La forte demande en faveur du crédit se reflète également dans la dynamique des prix sur le marché des nouvelles émissions. Les émetteurs peuvent émettre de nouvelles obligations sans faire de concession sur le prix ou presque, alors que les livres d'ordres sont souvent sursouscrits de nombreuses fois. La politique monétaire des banques centrales peut également avoir une incidence significative sur les facteurs techniques du marché. La réduction des bilans est toujours en cours, mais le volume d’instruments obligataires dans les bilans de la Fed et de la BCE demeure considérable. Le scénario le plus négatif pour le crédit serait que les baisses de taux tant attendues n’aient pas lieu. Il pourrait prendre forme si l’inflation repart à la hausse.

Conclusion

Tant que nous évoluons dans un environnement où les baisses de taux sont plus probables que l’inverse, nous considérons le soutien technique de la politique des banques centrales comme toujours constructif. Nous ne devrions toutefois pas nous attendre à un nouveau cycle de resserrement des spreads après la première baisse des taux. Les données historiques montrent que même dans un scénario d’atterrissage en douceur, nous n’assistons généralement pas à un resserrement plus prononcé des spreads après la première baisse de taux.

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