Fin 2022, le Parlement européen adopté une directive afin que, d’ici à 2026, au moins 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs ou 33 % de tous les postes de direction soient occupés par des femmes dans les entreprises cotées de l’Union européenne1. Les entreprises qui ne respecteront pas la règle devront expliquer en quoi leur procédure de sélection est objective et non discriminatoire. Celles qui n’atteindront pas les objectifs sans pouvoir le justifier pourront être sanctionnées par des amendes ou par l’annulation de nominations dans les conseils d’administration. Alors que certains États membres ont déjà mis en place des quotas, cette nouvelle loi constitue la première obligation unifiée et contraignante dans l’histoire de l’UE.
Inégalités de genre : injustes et non optimales
Dans l’UE, le taux d’emploi des femmes en âge de travailler est de 66 % et les femmes représentent 60 % des nouveaux diplômés universitaires2. Pourtant, malgré leurs nombreuses qualifications et leur part importante dans la population active, elles n’occupent que 31,5 % des sièges des conseils d’administration dans les firmes cotées de l’UE3. Dans certains États membres, cette proportion est même inférieure à 10 %.
La directive souligne l’engagement de l’UE en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, une « valeur fondamentale ». Mais au-delà de cette valeur sociale, une importante valeur économique est également en jeu. Selon l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, une meilleure parité pourrait augmenter le PIB européen par habitant de 9,6 % (soit 3 000 milliards d’euros) d’ici 2050, et davantage contribuer au PIB par habitant que le marché du travail et les réformes de l’éducation (figure 1)4.
Figure 1. L’amélioration des politiques de genre accroît le PIB
Le graphique présente les répercussions positives de l’égalité femmes-hommes sur le PIB par habitant dans l’UE entre 2015 (année de référence) et 2050. La ligne verte représente l’augmentation du PIB en cas de progrès insuffisants vers la parité, et la ligne orange l’augmentation en cas de réformes plus rapides.
Source : Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, 2022
Quotas dans les conseils d’administration : un puissant levier
Les quotas sont un levier puissant en matière d’égalité des genres et d’amélioration de la diversité – du moins dans les conseils d’administration. Les entreprises européennes qui s’engagent d’une façon ou d’une autre en faveur de l’égalité comptent plus de femmes dans leurs conseils que les autres (30,4 % vs 16,6 %)5. De plus, les politiques plus strictes qui prévoient des sanctions en cas de non-respect fonctionnent mieux que les mesures volontaires d’incitation. La Norvège, la France et l’Italie (pays qui imposent les quotas et les sanctions les plus élevés) peuvent se vanter d’afficher une part de femmes siégeant dans les conseils d’administration de respectivement 45 %, 44 % et 36 % (contre 4 %, 7 % et 10 % auparavant)6. La situation dans l’UE trouve un écho dans les marchés développés du monde entier : sans quotas, les conseils d’administration sont le plus souvent fermés aux femmes7.
Les quotas sont également valorisés par les investisseurs. Aux États-Unis, en l’absence de loi fédérale, les investisseurs ont pris les devants et exigé plus de femmes dans les conseils d’administration. Les campagnes menées par les trois grands gérants d’actifs que sont Blackrock, Vanguard et State Street ont contribué à multiplier par 2,5 le nombre de femmes administratrices dans les firmes américaines cotées entre 2016 et 20198. Même les sociétés technologiques du Nasdaq ont instauré des exigences de diversité dans les conseils d’administration de toutes les entreprises de l’indice9.
Figure 2. Un succès permis par la réglementation : les quotas sont efficaces pour faire entrer les femmes dans les conseils d’administration
Le graphique montre les progrès obtenus lorsque les pays prennent délibérément des mesures pour placer les femmes dans les conseils d’administration, que ce soit sous forme de quotas ou d’objectifs. Les quotas sont des dispositions législatives strictes, tandis que les objectifs sont des recommandations plus souples. Les politiques relatives à la parité dans les conseils d’administration peuvent considérablement varier d’un pays à l’autre. Voir le rapport de l’OCDE pour plus de détails sur ces différences.
Source : OECD Gender Report 2022
Des statistiques qui donnent à réfléchir
Les législateurs européens espèrent que le fait de donner une voix unifiée aux femmes au sommet de la hiérarchie réduira aussi les inégalités de salaire, de rémunération et d’avancement au-delà du conseil d’administration. Mais les études menées jusqu’à présent révèlent que si les quotas améliorent la sensibilisation du public ainsi que la gestion des conseils d’administration et leur engagement, l’effet sur la parité est limité dans le reste de l’entreprise10. En Norvège, premier pays à avoir adopté une grande loi nationale, la part des femmes dans les conseils d’administration a bondi à plus de 40 %, et pourtant, les salaires et la parité aux postes les plus élevés n’ont pas évolué11.
Cette question est cruciale, car pour vraiment maximiser les avantages de la diversité des genres, il faudrait que davantage de femmes occupent des postes de direction. McKinsey estime que les 25 % des entreprises qui affichent les meilleurs ratios de parité dans les directions ont 15 % de chances en plus de surperformer. Une étude de Credit Suisse a quant à elle montré que les firmes comptant au moins 20 % de femmes aux postes exécutifs génèrent une « prime de diversité » due à l’augmentation des marges opérationnelles et des flux de trésorerie12. D’autres analyses montrent que les directions plus paritaires réduisent le risque financier, améliorent la gestion du capital et stimulent l’innovation13.
Malgré ces avantages, la faible présence des femmes aux postes de direction laisse perplexe, puisqu’elles ne représentaient que 5 % environ des PDG dans le monde en 2021 et 2022. Un chiffre à peine supérieur dans l’UE (7-8 %)14.
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Au-delà des indicateurs
Depuis son lancement en 2015, la stratégie RobecoSAM Global Gender Equality a toujours reconnu que si la présence des femmes dans les conseils d’administration est un bon début, le véritable engagement d’une entreprise se voit dans d’autres aspects que le nombre de sièges dans les conseils. Notre système propriétaire de notation de la parité classe les milliers d’entreprises de notre univers d’investissement en fonction de 38 critères qui évaluent la parité et la diversité, notamment la part des femmes aux principaux postes de direction, l’égalité salariale, la fidélisation des talents et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en plus de la diversité dans les conseils d’administration et le processus de sélection.
Nos efforts en matière de « stewardship » poussent les entreprises à s’efforcer d’adopter les meilleures pratiques. Dans la plupart des pays développés, les conseils d’administration doivent inclure au moins 30 % du genre le moins représenté. En outre, nous soutenons depuis longtemps les propositions d’actionnaires en faveur d’une plus grande transparence des procédures d’élection aux conseils d’administration et des questions de diversité telles que les ratios de parité et les écarts de rémunération dans tous les échelons de l’entreprise. Reconnaissant le pouvoir d’une force de travail diversifiée, nous avons élargi nos activités d’engagement afin de protéger les droits et de promouvoir l’avancement des personnes, quels que soient leurs origines ethniques, orientations sexuelles et identité, handicaps physiques et problèmes de santé mentale.
Une boîte à outils élargie
Tel un marteau, les quotas peuvent briser le plafond de verre et renforcer la structure des entreprises, mais davantage d’outils et de supports sont nécessaires pour créer une organisation diverse, performante et résiliente. Grâce à sa stratégie axée sur le genre et son engagement dans la diversité et l’inclusion, Robeco promeut les entreprises qui font vraiment avancer la parité dans les conseils d’administration, mais qui utilisent aussi d’autres outils permettant d’exploiter pleinement le pouvoir des femmes et des autres actifs « marginalisés » pour bâtir des institutions solides et des performances robustes.
Notes de bas de page
1 Conseil de l’Union européenne, Gender balance on corporate boards. Les femmes présentes dans les conseils d’administration sont des administratrices non exécutives. Les femmes présentes dans les directions exécutives sont qualifiées d’administratrices exécutives.
2 Eurostat, mars 2022
3 Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, Survey of the largest publicly listed companies in the EU, juin 2022.
4 Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, Economic case for gender equality in the EU
5 2022 Report on Gender Equality in the EU
2022 Report on Gender Equality in the EU
6 Latura, Audrey et Weeks A.C., « Corporate Board Quotas and Gender Equality Policies in the Workplace », The American Journal of Political Science, 2022.
7 OECD 2022 Gender Report
8 « Big Investors are better than quotas at getting more women on boards », Bloomberg, 22 novembre 2022.
9 « How Nasdaqs new board diversity requirements will move the market », Factset, 20 octobre 2021.
10 « Do Quotas for Corporate Boards Help Women Advance? », University of Chicago, Booth School of Business Review, 15 juin 2015.
11 Ibid.
12 Credit Suisse Research Institute, « Gender 3000 in2021 ».
13 Dans « Quotas for Women Aren’t Enough to Protect Against Human Capital Risks », 28 février 2022, Morningstar indique que la présence des femmes dans les hautes directions se traduit par une baisse du turnover et des problèmes de discrimination. Dans « The Mix that Matters », 26 avril 2017, BCG établit un lien entre les équipes de management diversifiées, l’innovation et les revenus.
14 Statistiques 2021 de S&P Global, « Women CEOs Leadership for a diverse future ». Statistiques pour l’UE provenant de rapport 2022 de l’OCDE sur le genre. D’après un rapport de Catalyst, les femmes occupaient 8,2 % des postes de PDG dans les entreprises du S&P 500 en 2021 et 2022. Données relatives aux pays du G20 issues de UN Sustainable Stock Exchanges Policy Brief, « Gender Equality on Corporate Boards », 2021.