Les données sont claires
Difficile de croire que cela ne fait que six mois que la Chine a, pour la première fois, clairement indiqué qu’elle allait faire volte-face et rouvrir son économie après la pandémie. Alors que certains analystes craignaient le pire, cette réouverture s’est déroulée sans heurts, et l’économie reprend du poil de la bête.
D’aucuns restent sceptiques, mais les récentes statistiques économiques sont bonnes. Au premier trimestre, le PIB a progressé de 4,5 % en glissement annuel, ce qui permet à la deuxième économie mondiale d’être sur la bonne voie pour atteindre l’objectif officiel d’une croissance de 5 % en 2023, sans recourir à de nouvelles mesures d’assouplissement de la politique monétaire ou de relance budgétaire. Les données sous-jacentes sont cependant inégales : les ventes au détail et les investissements en capitaux fixes ont fortement augmenté, tandis que la production industrielle n’a enregistré qu’une timide hausse de 3,9 %, en glissement annuel. La faute à la faible demande de l’Europe et des États-Unis, qui se reflète aussi dans une baisse des exportations en mars vers ses deux régions (de respectivement -7 % et -17 %), des chiffres cependant compensés par une forte augmentation des exportations vers les pays de l’ASEAN (+18,8 % en glissement annuel).
D’autres indicateurs montrent que la croissance devrait gagner du terrain au deuxième trimestre et après. En mars, l’indice PMI chinois a atteint 51,6 dans le secteur manufacturier et 55,0 dans le secteur non manufacturier, ces deux chiffres dépassant le consensus et continuant d’augmenter. Ce même mois, la consommation d’électricité a progressé de 5,9 % (en glissement annuel) à 736,9 milliards de kilowattheures, en nette accélération depuis janvier et février.
Selon nous, c’est la faible croissance en Europe et aux États-Unis qui se reflète dans ce chiffre, alors que la Chine (domestique) et la région ASEAN surperforment. Cela confirme notre point de vue selon lequel l’économie chinoise est bien partie pour générer une croissance solide, encore que modeste, et explique la vigueur récente du marché actions puisque l’indice Shanghai Composite s’est apprécié de 8,7 % entre le 1er janvier et le 16 avril 2023.
Le marché immobilier est enfin sorti de l’ornière
Au premier trimestre, les ventes dans l’immobilier résidentiel ont augmenté de 7,1 % en glissement annuel, contre 3,5 % au dernier trimestre 2022, signe que la reprise des ventes prend enfin de l’ampleur et que le marché est de nouveau fonctionnel. Cette progression se reflète aussi dans les prix, qui ont tout juste augmenté d’environ 0,5 % entre février et mars 2023, confirmant notre hypothèse que le plus bas est passé.
Dans l’immédiat, cela n’aura pas de conséquence sur l’activité globale de la construction, dans la mesure où la croissance des ventes concerne le stock de logements invendus, mais c’est un premier indicateur clair de normalisation. Nous surveillons également les acquisitions de terrains dans les grandes villes, qui présentent des signes de demande accrue. Malgré le décalage habituel entre l’acquisition d’un terrain et la construction, cela se traduira tout de même par une amélioration de la demande de construction dans le secteur immobilier. Ce qui aura à son tour d’importantes répercussions sur le moral des entreprises et des consommateurs.
Le tourisme en plein essor
Comme dans le reste du monde, la reprise est tirée par le secteur du tourisme depuis la levée des restrictions dues au covid, suivi de près par les produits de luxe. En Chine, ces deux secteurs vont souvent de pair, et à l’approche des vacances de la « semaine d’or » (première semaine de mai), les prévisions suggèrent que la tendance va se poursuivre.
À Macao, les taux de remplissage des hôtels dépasseront ceux d’avant la pandémie, tandis que les préréservations laissent présager des taux d’occupation supérieurs à ceux de 2019.
C’est une bonne nouvelle pour les sociétés de casino cotées en Bourse, dont les résultats sont actuellement révisés, mais aussi pour l’ensemble du secteur du tourisme intérieur. L’agence chinoise de voyages en ligne Trip.com nous a indiqué que les nuits d’hôtel et les billets d’avion dans le pays connaissent une croissance d’environ 10 % par rapport à 2019, ce qui est très positif.
Résultat, nous nous sommes positionnés sur des sociétés du secteur des voyages et des biens de grande consommation, notamment des entreprises brassicoles, afin de surfer sur cette forte tendance dans la consommation de loisirs.
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Des tensions commerciales toujours latentes, mais pas de guerre
Les frictions commerciales actuelles sont la menace qui pèse le plus sur le sentiment des investisseurs à l’égard de la Chine. Cela se vérifie dans le secteur des semiconducteurs, où la loi américaine CHIPS Act et l’annonce, en octobre 2022, de restrictions sur les exportations de technologies de puces vers la Chine ont déjà des conséquences importantes sur les opérations et la planification. La riposte de la Chine est pour le moment limitée : le pays a lancé une enquête sur la cybersécurité du géant américain des cartes mémoire Micron Technologies, laquelle n’a pas encore eu de répercussions dans d’autres secteurs.
Nous pensons qu’en dehors du secteur des semiconducteurs, les effets concrets des tensions commerciales sont exagérés, et nous espérons qu’il n’y aura pas d’escalade, car les conséquences économiques seraient importantes des deux côtés du Pacifique.
Délocalisation : une tendance de long terme
La tendance à délocaliser les activités manufacturières vers les pays de l’ASEAN et l’Inde est également présentée comme défavorable pour la Chine, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, est exact. Cependant, nous pensons qu’il s’agit d’un phénomène de long terme davantage lié à la compétitivité manufacturière de la Chine vis-à-vis du Vietnam et des autres destinations. Plutôt que la situation géopolitique, c’est le fait que la Chine privilégie la qualité de la croissance tout en grimpant dans la chaîne de valeurs et en augmentant les niveaux de salaires qui constitue le fondement structurel de cette tendance à la délocalisation.
Celle-ci a été dopée par la pandémie lorsque les avantages d’avoir une chaîne d’approvisionnement distribuée et dotée d’une redondance intégrée sont devenus évidents. Il s’agit d’un avantage clair pour les voisins de la Chine, mais cela ne sonne pas la fin du développement économique du pays. La situation est comparable à la délocalisation progressive du secteur manufacturier américain vers le Mexique et la Chine, qui s’est déroulée pendant des décennies.
Plus de points positifs que négatifs
Les tensions commerciales et les craintes géopolitiques vont perdurer, mais cette nouvelle normalité pourrait se transformer en un équilibre instable, et non s’aggraver. Lors du Forum sur le développement de la Chine, qui s’est tenu en mars à Pékin et auquel ont participé de nombreux PDG de multinationales, tels que Tim Cook (Apple), la Chine a clairement indiqué qu’elle avait besoin des investisseurs étrangers. « Investir en Chine, c’est investir dans l’avenir », a déclaré Zheng Shanjie, président de la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme1 .
Il faudra une grande force de persuasion pour convaincre les investisseurs prudents, mais selon nous, les statistiques économiques positives devraient renforcer leur confiance à l’égard de la Chine. La reprise est bien réelle et s’accélère, et le pays devrait générer 30 % de la croissance mondiale cette année, estime le FMI.
Dans un tel contexte macroéconomique, nous parions sur un regain de la consommation, tout en continuant de favoriser les thématiques de long terme qui sont source de valeur, selon nous, notamment l’économie verte, l’innovation technologique et la modernisation technologique du tissu industriel chinois. Les actions chinoises s’échangent à des valorisations attractives inférieures à leur niveau historique, et les révisions de résultats pourraient jouer un rôle moteur à l’avenir.
Note de bas de page
1Principales conclusions du Forum sur le développement de la Chine 2023 – Xinhua – 29 mars 2023