Lucian Peppelenbos, stratégiste climat et biodiversité chez Robeco, pense que oui et il espère être agréablement surpris par les progrès accomplis, même si certaines bonnes résolutions resteront lettre morte.
Le fait que la 28e édition de la COP, ou plus pompeusement appelée Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), se tienne dans les Émirats arabes unis a déjà fait grincer des dents, car ce pays est le septième producteur mondial de pétrole.
À l’ordre du jour, figure le « premier bilan mondial » dont l’objectif est de fournir la première évaluation exhaustive des progrès réalisés à l’échelle mondiale en matière de décarbonation depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015. D’après Lucian Peppelenbos, il faudra suivre de près trois autres points : la création d’un fonds climatique visant à financer les pertes et préjudices, l’abandon progressif des énergies fossiles et la mise en œuvre de la finance climat mondiale. La COP sera-t-elle donc un succès ou un échec ?
1. Le bilan mondial
L’Accord de Paris vise à limiter la hausse du réchauffement planétaire à bien moins de 2 degrés Celsius, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport aux niveaux pré-industriels. Le dernier rapport des Nations unies estime toutefois qu’au rythme actuel, le réchauffement sera de 2,4 °C.
« Tous les gouvernements doivent prendre rapidement des mesures, mais compte tenu du paysage politique actuel, il est peu probable que nous assistions à une avancée majeure dans ce domaine », fait observer Lucian Peppelenbos à la veille du sommet, qui doit se tenir du 30 novembre au 12 décembre.
« L’accord de Paris a formalisé des étapes, appelées ‘bilan mondial’. La première est prévue pour 2023 et elle sera suivie d’une autre tous les cinq ans. L’objectif de ce bilan est de déterminer quelles politiques et quels engagements ont été mis en place, où on en est dans leur mise en œuvre et quelles sont les prochaines étapes nécessaires. Sur cette base, les gouvernements vont devoir faire ‘monter en puissance’ leurs politiques.
Les niveaux d’engagement actuels ne sont pas suffisants pour maintenir la hausse des températures bien en-dessous de 2 °C. Ce sont surtout les grands émetteurs comme l’Inde, la Chine et le Canada qui doivent prendre des mesures supplémentaires. La Russie doit également fournir davantage d’efforts, mais personne ne s’attend au moindre changement dans les circonstances actuelles. »
En plus d’adopter de nouvelles mesures, il faut aussi tenir les engagements déjà pris. « Les pays industrialisés, y compris l’Europe et les États-Unis, ont adopté des objectifs séduisants », fait observer Lucian Peppelenbos, « mais nous ne sommes pas en mesure de les atteindre. Donc, toutes les parties doivent redoubler d’efforts. »
Succès de la COP :
Si nous pouvons passer de 2,4 °C à 2,2 °C, soit une amélioration de 10 %, ce sera un bon début pour entretenir notre montée en puissance.
Échec de la COP :
Les rancœurs géopolitiques l’emportent et les pays refusent de réduire davantage leurs émissions.
2. Le fonds mondial pour pertes et préjudices
L’objectif est de créer un fonds mondial destiné à aider les pays qui subissent des dommages liés aux conditions météorologiques, tels que des inondations, des incendies de forêt ou la sécheresse. Les pays en développement veulent que les pays développés, qui ont généré le plus d’émissions dans le passé, supportent le coût de ces dommages.
« Ça a été la grande réussite de la COP27 », explique Lucian Peppelenbos. « Le changement climatique ne cesse de s’aggraver. L’année dernière, un tiers du Pakistan a été inondé quelques semaines avant la COP.
Il y a un mois encore, le comité de 24 pays chargé d’examiner la question n’était parvenu à aucun accord, mais une réunion extraordinaire a eu lieu au début du mois de novembre et un accord a été trouvé, même si les États-Unis ont refusé de le signer. Les États-Unis insistent sur le fait que toute contribution doit être volontaire et ce point reste source de désaccord.
La question de savoir qui doit payer la facture suscite des tensions extrêmes. Les pays industrialisés veulent que des pays comme la Chine et l’Arabie saoudite contribuent. Certains ont dit à l’Arabie saoudite que si elle pouvait payer des centaines de millions pour que Cristiano Ronaldo rejoigne sa ligue de football, elle pouvait aussi contribuer au fonds. »
Succès de la COP :
L’accord entre les 24 pays sur la création du fonds est ratifié par les 199 pays présents au sommet.
Échec de la COP :
En l’absence d’accord, il n’y aura d’avancée significative sur aucun des autres points à l’ordre du jour.
3. Abandon progressif des énergies fossiles
Paradoxalement, l’Accord de Paris passe sous silence les combustibles fossiles, alors que la combustion du charbon, du pétrole et du gaz est la cause principale du réchauffement climatique. Personne n’ose parler de cette question qui est au centre du problème. Mais Lucian Peppelenbos pense que le paradoxe pourrait bien être la clé de la réussite, étant donné que le sommet est organisé en plein cœur de la plus première région productrice de pétrole du monde.
« Ce sera peut-être la grande surprise de la COP28 », commente-t-il, « parce que une seule personne dans les arcanes de la production de combustibles fossiles est capable de mettre tout le monde d’accord. Or, le sommet est présidé par Ahmed al-Jaber, le PDG du groupe Abu Dhabi National Oil Company. Il dispose de toutes les relations nécessaires pour amener les principaux décideurs à la table des négociations.
Les hôtes ont organisé des discussions avec des pays et des entreprises afin d’adopter une résolution sur la réduction progressive des émissions provenant des combustibles fossiles. Même si un objectif d’abandon progressif de la production de combustibles fossiles serait préférable, une telle résolution constituerait déjà une étape historique en soi, car elle fait entrer les énergies fossiles dans le langage de l’Accord de Paris.
Les tentatives visant à inclure les combustibles fossiles dans les textes des accords de la COP26 à Glasgow il y a deux ans n’ont pas été fructueuses. Tout le monde s’y oppose en raison d’intérêts particuliers, mais ça pourrait bien être la grande surprise de la COP28. »
Succès de la COP :
Même si l’accord signé cette année n’est pas très ambitieux, il n’en sera pas moins historique.
Échec de la COP :
Passer la question des combustibles fossiles, pourtant essentielle, sous silence pendant une année de plus.
4. Le financement de la lutte contre le réchauffement climatique
Au-delà des pertes et préjudices, l’Accord de Paris aborde également la question du soutien financier accordé par les pays riches aux pays en développement afin de faciliter les mesures d’atténuation et d’adaptation. Le problème, c’est que les promesses ne se sont pas concrétisées en espèces sonnantes et trébuchantes.
« Les pays développés se sont engagés à verser chaque année 100 milliards de dollars pour aider les pays en développement à réduire le réchauffement climatique et 40 milliards de dollars pour qu’ils s’adaptent au changement climatique », explique Lucian Peppelenbos. « Les sommes récoltées ont sensiblement augmenté ces dernières années, mais les fonds restent encore insuffisants.
Le respect des engagements financiers constitue un véritable défi et le rôle de la Banque mondiale et d’autres institutions financières multilatérales a été fortement critiqué à cet égard. Cette année, un nouveau président a été nommé à la tête de la Banque mondiale et il a commencé à la réformer. C’est une bonne chose.
Le gros problème, c’est que le coût des mesures d’adaptation dépasse à lui seul de loin cette enveloppe de 140 milliards de dollars. Les pays en développement ont besoin d’environ 380 milliards de dollars par an pour financer l’adaptation et de plusieurs milliers de milliards pour les mesures d’atténuation. »
Le problème réside en grande partie dans le fait que les pays qui ont le plus besoin d’aide sont ceux qui présentent le risque macroéconomique le plus élevé. L’Afrique subsaharienne, par exemple, est un endroit idéal pour installer des panneaux solaires, mais les pays de cette région sont instables, ce qui freine les investissements.
Succès de la COP :
Des accords opérationnels vraiment concrets sont signés en vue de débloquer la finance climat et de réformer les institutions concernées.
Échec de la COP :
De beaux discours qui ne sont pas suivis d’actions.
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