25-01-2022 · Vision

Tendances de consommation 2022 : l’économie de l’abonnement et le metaverse

Les mégatendances continuent de se déployer. L’expérience de l’année dernière a confirmé que la « grande accélération » observée en 2020 dans la plupart des tendances sur lesquelles nous construisons nos stratégies thématiques n’était pas une anomalie passagère. Au contraire, alors que nous avions d’abord prévu un retour à la normale de ces tendances, après les bonds impressionnants enregistrés au début de la pandémie dans les domaines tels que l’e-commerce ou les paiements mobiles, cette prédiction s’est révélée trop prudente.

    Auteurs

  • Jack Neele - Portfolio Manager

    Jack Neele

    Portfolio Manager

  • Richard Speetjens - Portfolio Manager

    Richard Speetjens

    Portfolio Manager

Les changements socioéconomiques en cours ont peut-être ralenti avec la réouverture progressive des économies, mais ils restent largement en place puisque les nouvelles habitudes sont conservées, même après la reprise « stop-and-go ». Pour 2022, nous pensons que le développement de ces tendances se poursuivra rapidement, même si les économies continuent de se remettre du choc initial lié au Covid-19 et que la situation revient progressivement à la normale. En ce début d’année, nous décelons deux domaines prometteurs pour les investisseurs : l’économie de l’abonnement (ou de la souscription) et le metaverse.

Les business models reposant sur l’abonnement existent depuis des décennies et ne sont pas nouveaux. Mais ils ont connu un essor incroyable ces dernières années.

L’économie de l’abonnement en plein essor

L’économie de l’abonnement se réfère à tous les produits et services accessibles par souscription, par opposition aux achats traditionnels à l’unité. Cela signifie souvent que l’usage prend le pas sur la possession. Les services de streaming vidéo et musical en sont un très bon exemple. Mais cela peut concerner pratiquement tout, d’un panier de légumes frais livré chaque semaine à une voiture ou un blue-jean qu’il faudra régulièrement remplacer, puis finalement recycler.

Pour résumer, l’économie de l’abonnement est un moyen pour les entreprises de tisser des liens plus solides et plus durables avec leurs clients. Cela nécessite de mettre le client au centre du processus et le lier aux produits et services de différentes façons, par exemple en fournissant un meilleur rapport qualité-prix, plus de souplesse et de personnalisation, ou une expérience client améliorée par rapport aux offres classiques d’achat et de possession.

Les business models reposant sur l’abonnement existent depuis des décennies et ne sont pas nouveaux. Mais ils ont connu un essor incroyable ces dernières années. Alors qu’ils étaient essentiellement limités à l’industrie des médias il y a encore une vingtaine d’années, ils se sont progressivement étendus, d’abord dans quelques domaines de niche tels que les télécommunications, les logiciels et les technologies de l’information, puis dans l’ensemble de l’économie (voir graphique 1).

Graphique 1 : dépenses annuelles dans les services d’abonnement en Europe, en milliards d’euros

Graphique 1 : dépenses annuelles dans les services d’abonnement en Europe, en milliards d’euros

Source : ING, analyse Bernstein, août 2021.

Entre 2012 et 2020, les entreprises basées sur le modèle de l’abonnement ont généré une croissance près de six fois plus rapide que celle des sociétés de l’indice S&P 500.

Pour les investisseurs, les entreprises utilisant le modèle de la souscription présentent souvent moins d’incertitude en matière de génération de chiffre d’affaires et de profits à long terme par rapport aux business models plus classiques. De plus, ces sociétés produisent souvent un flux constant de données pouvant servir à améliorer le service et la satisfaction client, et à identifier des opportunités commerciales complémentaires. Ce qui se traduit généralement par une croissance relativement stable dans le temps.

Certes, le modèle de l’abonnement peut ne pas intéresser tous les investisseurs, car il occasionne des coûts d’acquisition client en amont (vente et marketing, développement de logiciel, etc.), alors que le chiffre d’affaires est comptabilisé au fil du temps. Cela entraîne un décalage entre les recettes et les dépenses, et minimise la véritable santé financière de l’entreprise. Mais en tant qu’investisseurs de long terme capables de regarder au-delà de la génération de trésorerie à court terme, nous considérons cela comme une opportunité plutôt qu’un défi.

Entre 2012 et 2020, les entreprises basées sur le modèle de l’abonnement ont généré une croissance près de six fois plus rapide que celle des sociétés de l’indice S&P 500, grâce à l’augmentation de la demande de services de souscription par les consommateurs, indique Zuora, une plateforme de gestion d’abonnements1. La pandémie de Covid-19 n’a fait que renforcer cet écart. De nombreuses activités basées sur l’abonnement ont connu une forte accélération de leur croissance, les consommateurs étant passés des coûts fixes aux coûts variables, tandis que les entreprises se sont concentrées sur leur cœur de métier et ont externalisé le reste.

En 2020, le chiffre d’affaires des entreprises basées sur l’abonnement et suivies par Zuora a progressé de 11,6 %, tandis que celui des sociétés du S&P 500 a reculé de 1,6 %. Certes, les confinements et autres mesures de sécurité prises au cours du premier trimestre semblent avoir ralenti cette croissance. Mais lorsque de nouveaux confinements ont été mis en place au dernier trimestre, le chiffre d’affaires de ces activités s’est accéléré, suggérant que les entreprises offrant de tels services ont su adapter leurs offres rapidement.

Nous pensons que cette tendance va se poursuivre dans les décennies à venir, principalement grâce à la digitalisation de l’économie. Selon de récentes estimations d’UBS Wealth Management et de Bernstein, l’économie de l’abonnement en ligne représente actuellement un marché de 650 milliards de dollars qui devrait plus que doubler d’ici 2025 pour atteindre une capitalisation boursière de 1 500 milliards de dollars2. Cela représente un impressionnant taux de croissance moyen composé de 18 %.

Les nouvelles technologies permettent désormais aux entreprises de presque tous les secteurs économiques de proposer des services à abonnement à leurs clients. La baisse rapide des coûts de stockage des données et l’augmentation des capacités informatiques ont permis à ces sociétés d’offrir à leur clientèle un accès à leurs services pour un coût très faible. Dans le même temps, l’omniprésence des services en ligne permet aux consommateurs d’être à tout moment en contact avec des contenus, des services et d’autres usagers.

Un autre facteur favorable important pour les années à venir est l’inévitable transition générationnelle, les « millennials » et la génération Z3 étant plus adeptes des services d’abonnement et de l’économie de l’usage que leurs aînés4. Les enquêtes de consommation suggèrent que pour les jeunes générations, la perspective de toujours obtenir le produit le plus récent, l’absence de maintenance et les préoccupations environnementales ont souvent tendance à jouer un rôle plus grand que la classique notion de possession.

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Richard Speetjens - Portfolio Manager

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À maints égards, le metaverse peut être considéré comme la prochaine version d’Internet, où la connectivité accrue intégrera davantage la vie réelle et la vie virtuelle.

Investir dans le metaverse devient progressivement possible

Le metaverse est un mot qui a fait le buzz en 2021, les principaux acteurs de l’univers technologique ayant annoncé des avancées importantes dans ce domaine. L’introduction en Bourse de la plateforme de jeu Roblox et le changement de nom de Facebook en Meta Platforms ont été des événements marquants. Mais au-delà du buzz, nous pensons que ce concept reflète un nombre de tendances structurelles qui se déploient au croisement de l’Internet des objets, des réseaux sociaux et de l’informatique nomade.

En effet, le metaverse est bien plus qu’un drôle de casque de réalité virtuelle ou qu’une nouvelle façon de jouer à des jeux en ligne. Il se réfère aux nombreux aspects de nos vies en ligne et de leurs interactions5. Certains sont évidents (jeux en ligne ou réseaux sociaux, par exemple), d’autres beaucoup moins, par exemple les services financiers numériques, les outils de travail et applications à distance, ainsi que tous les services numériques quotidiens accessibles en ligne.

À maints égards, le metaverse peut être considéré comme la prochaine version d’Internet, où la connectivité accrue intégrera davantage la vie réelle et la vie virtuelle. Par conséquent, il ne s’agit pas de quelque chose de prédéfini, mais d’un concept en évolution constante. Cela signifie que s’il est difficile d’imaginer précisément à quoi ressemblera le metaverse dans dix ans, son évolution est inéluctable. De plus en plus d’entreprises communiquent autour du metaverse.

Certes, celui-ci en est toujours à ses balbutiements, ce qui oblige les investisseurs à faire preuve de prudence. Mais selon nos prévisions, les investissements dans ce domaine vont considérablement augmenter dans les années à venir, à mesure que les entreprises se positionneront pour répondre à des besoins informatiques accrus – notamment matériels et logiciels – et qu’elles développeront des capacités de test et d’apprentissage sur les potentiels cas d’utilisation pour les clients particuliers comme professionnels.

Graphique 2 : temps moyen consacré aux médias dans divers pays, en heures et minutes par jour

Graphique 2 : temps moyen consacré aux médias dans divers pays, en heures et minutes par jour

Source : eMarketer, avril 2021. Remarque : personnes de plus de 18 ans ; médias en ligne (ordinateur de bureau/portable, mobile nanovoice et TV connectée), presse (magazines et journaux), radio, TV et autre ; y compris temps passé sur chaque média, en multitâches ou pas ; * Hong Kong exclu.

Par conséquent, nous préconisons ce que l’on appelle une approche dite "picks and shovels" consistant à investir de manière sélective dans les entreprises qui permettent ces évolutions

Les consommateurs mondiaux montrent un appétit pour les services présentant des caractéristiques liées au metaverse. Les réseaux sociaux (et notamment Facebook, YouTube et WhatsApp, par exemple), revendiquent déjà des milliards d’utilisateurs dans le monde susceptibles de finir dans le metaverse. De plus, nombre de ces utilisateurs consacrent déjà une grande partie de leur temps quotidien aux médias en ligne, principalement via leurs appareils mobiles (voir graphique 2).

Les analystes de Bernstein ont récemment estimé que si le calendrier et la portée des évolutions du metaverse restent incertains, le « run rate » annuel combiné des marchés les plus concernés atteint déjà 2 000 milliards de dollars et continue de croître6. Parmi les premiers domaines qui tireront parti des évolutions du metaverse dans les années à venir figurent la publicité en ligne, les semi-conducteurs, la téléphonie mobile et les logiciels d’infrastructure, par exemple.

Mais ses répercussions seront probablement plus globales puisque de nombreux autres segments de l’économie, peut-être moins évidents, devraient également bénéficier de l’avènement du metaverse dans les années à venir : e-commerce, médias, paiements numériques et même éducation, pour n’en citer que quelques-uns. Dans une récente note à ses clients7, les analystes de Goldman Sachs ont estimé que l’opportunité de marché du metaverse pourrait atteindre entre 2 600 milliards et 12 500 milliards de dollars.

Pour les investisseurs, nous pensons que s’il en est encore à ses balbutiements et que la prudence est de mise, les perspectives prometteuses du metaverse ne devraient pas être ignorées. Il est certain que le nombre d’entreprises investissables directement liées à l’avènement du metaverse reste relativement faible. Par conséquent, nous préconisons ce que l’on appelle une approche dite « picks and shovels » consistant à investir de manière sélective dans les entreprises qui permettent ces évolutions. Ce qui représente un large éventail de sociétés allant des plateformes de réseaux sociaux aux fabricants de puces.

Notes de bas de page

1 « Le chiffre d’affaires des activités à abonnement a augmenté de 437 % en presque une décennie, à mesure que les préférences d’achat sont passées de la possession à l’usage », communiqué de presse de Zuora, 3 mars 2021.
2Bernstein, 11 août 2021, « Sign me up! Why consumers are increasingly subscribing rather than buying », note client.
3S’il n’existe aucune définition officielle de « boomer », « millennial » ou « génération Z », le Pew Research Center en donne la description suivante : boomers = personnes nées entre 1946 et 1964 ; génération X = personnes nées entre 1965 et 1980 ; millennials = personnes nées entre 1981 et 1996 ; génération Z = personnes nées entre 1997 et 2012
4Voir par exemple : Scuncio, J., 7 mai 2019, « Millennial spending drives the growth of the subscription economy », publié sur le blog de Zuora.
5Le terme a été créé par Neal Stephenson en 1992 dans son roman « Le samouraï virtuel », et qu’il définissait comme un univers créé par ordinateur.
6Bernstein, 7 décembre 2021, « Bernstein enters the metaverse: A primer on what it is, the size of the prize, and why you should care », note client.
7Goldman Sachs, 10 décembre 2021, « Framing the Future of Web 3.0 - Metaverse Edition », note client.

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