03-05-2023 · Vision

Enquête sur le climat de Robeco : l'investissement dans la biodiversité se normalise

Les investisseurs adoptent une position beaucoup plus ferme concernant la biodiversité, faisant passer ce thème, qui était autrefois une niche, au rang d'investissement courant.

    Auteurs

  • Lucian Peppelenbos - Stratégiste Climat & Biodiversité

    Lucian Peppelenbos

    Stratégiste Climat & Biodiversité

Souvent considérée comme le pendant du changement climatique, la biodiversité devient tout aussi importante lorsqu'il s'agit de l'intégrer dans les politiques d'investissement et la gestion de portefeuille, comme le révèle l'Enquête mondiale sur le climat 2023 de Robeco.

Environ 66 % des investisseurs interrogés affirment que la biodiversité sera un facteur central ou important de leur politique d'investissement dans les deux prochaines années, tandis que 48 % déclarent que c'est le cas aujourd'hui. Il s'agit d'une hausse massive par rapport à il y a deux ans, quand 16 % la considéraient comme un facteur important et 5 % comme un facteur central. D'après l'enquête réalisée auprès de 300 institutions, les investisseurs européens montrent la voie concernant la plupart des indicateurs. Les actions mondiales et domestiques ainsi que les obligations d'entreprise vertes sont les classes d'actifs les plus privilégiées pour l'intégration des questions de biodiversité dans les portefeuilles au cours des deux prochaines années. Seuls 25 % des investisseurs utilisent actuellement des produits qui ciblent spécifiquement les objectifs de biodiversité, mais on observe un bond important de la demande de stratégies d'investissement à impact et thématiques par rapport à l'enquête de 2022.

Il reste toutefois des obstacles importants qui compliquent le passage des aspirations à la mise en œuvre en matière de biodiversité, et ces problèmes sont souvent très localisés et difficiles à surmonter. Plus de la moitié des investisseurs mettent en cause le manque de données et de notations adaptées, suivi par le manque d'expertise interne, tandis qu'un tiers d'entre eux se plaignent du manque de produits d'investissement axés sur la biodiversité.

Établir un lien significatif

« Les investisseurs ont clairement du mal à définir une approche pratique qui permet de traiter les risques et les opportunités liés à la biodiversité dans leurs processus d'investissement », déclare Lucian Peppelenbos, stratégiste climat et biodiversité chez Robeco. « Les données sont citées comme le défi numéro un. »

« En réalité, le problème n'est pas le manque de données. Il existe de nombreux ensembles de données sur l'état des espèces et des écosystèmes. Le véritable défi consiste à établir un lien significatif entre ces données sur la biodiversité et les données des entreprises. Comment le modèle économique d'une entreprise spécifique dépend-il des services écosystémiques et comment cette entreprise et sa chaîne de valeur contribuent-elles au déclin de l'écosystème ? »

« Nous savons que ce type d'évaluation s'améliorera au fil du temps, à mesure que les entreprises et les investisseurs adopteront le cadre d'information du Groupe de travail sur l'information financière relative à la nature (TNFD). Mais à Montréal, en décembre 2022, les gouvernements ont accepté d'infléchir la courbe de la perte de biodiversité d'ici 2030. Il ne reste plus que sept ans, alors franchement, nous ne pouvons plus attendre d'avoir des données parfaites. »

Comment décririez-vous l'importance de la biodiversité dans la politique d'investissement de votre organisation il y a deux ans, aujourd'hui et dans les deux prochaines années ?

Comment décririez-vous l'importance de la biodiversité dans la politique d'investissement de votre organisation il y a deux ans, aujourd'hui et dans les deux prochaines années ?

L'Europe montre la voie

Sur le plan régional, l'enquête a mis en évidence des différences d'intérêt et d'approche à travers le monde. Environ 42 % des investisseurs européens ont déclaré tenir compte de la biodiversité dans la mesure du possible, en utilisant des instruments tels que les Objectifs de développement durable (ODD) pour atteindre leurs objectifs, contre 37 % des investisseurs de la région Asie-Pacifique, 23 % en Amérique du Nord et une moyenne mondiale de 33 %.

Les Européens sont également plus enclins à utiliser des produits d'investissement ciblés, car 34 % d'entre eux investissent dans des stratégies sélectionnées en faveur de la biodiversité, contre 18 % dans la région Asie-Pacifique et 14 % en Amérique du Nord. Le recours à l'actionnariat actif est également plus important en Europe, où 20 % des investisseurs engagent un dialogue avec les entreprises investies, contre 18 % pour la région Asie-Pacifique et 14 % pour l'Amérique du Nord.

Les investisseurs institutionnels sont un peu plus susceptibles d'inscrire la biodiversité au cœur de leurs politiques d'investissement que les investisseurs « wholesale ». Comme pour le changement climatique, les grands investisseurs disposant de plus de 500 milliards de dollars d'actifs sont plus susceptibles d'en faire une priorité que les petites sociétés d'investissement, qui ne disposent peut-être pas des ressources nécessaires pour s'impliquer davantage.

Quelles mesures votre organisation a-t-elle prises jusqu'à présent pour prendre en compte la biodiversité dans son approche d'investissement ?

Quelles mesures votre organisation a-t-elle prises jusqu'à présent pour prendre en compte la biodiversité dans son approche d'investissement ?

Actions privilégiées

En ce qui concerne les classes d'actifs, les actions mondiales classiques (48 % des investisseurs) et les obligations d'entreprise vertes (34 %) sont les plus utilisées pour intégrer la biodiversité dans les portefeuilles, suivies par les actions des marchés nationaux (33 %) et la dette souveraine verte (31 %).

L'intérêt pour l'utilisation des marchés de capitaux privés a légèrement diminué, passant de 30 % à 26 %. Les investisseurs de la région Asie-Pacifique sont plus susceptibles d'utiliser des actifs des marchés émergents émanant de leur propre région, tandis que les investisseurs nord-américains sont plus enclins à le faire pour les matières premières, selon l'enquête.

« Nous pensons que les investisseurs peuvent déjà traiter les principaux impacts sur la biodiversité en se concentrant sur la contribution des entreprises aux causes de la perte de biodiversité, qu'il s'agisse de la pollution de l'eau, des rejets de plastique, du changement climatique ou de la déforestation », explique Lucian Peppelenbos.

« Ensuite, les investisseurs doivent évaluer dans quelle mesure les entreprises atténuent cette contribution, ce qui implique d'examiner les indicateurs de réponse plutôt que les indicateurs d'impact. Cette approche permet de simplifier la vue d'ensemble et permet aux investisseurs d'identifier d'ores et déjà les leaders et les retardataires en matière de biodiversité. »

Quelles classes d'actifs votre organisation choisira-t-elle en priorité pour intégrer plus largement les questions de biodiversité dans les portefeuilles au cours des deux prochaines années ?

Quelles classes d'actifs votre organisation choisira-t-elle en priorité pour intégrer plus largement les questions de biodiversité dans les portefeuilles au cours des deux prochaines années ?

Nous avons besoin de meilleures données

En ce qui concerne les obstacles à l'adoption généralisée de la biodiversité dans les portefeuilles, l'enquête a révélé un besoin évident d'amélioration des données, de la recherche et des notations. Le pourcentage d'investisseurs mettant en cause le manque de données est passé de 50 % à 53 %, tandis que celui des investisseurs qui citent le manque d'expertise interne est passé de 38 % à 41 %.

Environ 24 % d'investisseurs se sont plaints de l'absence de normes et d'informations claires en matière de déclaration. La publication du cadre final de la TNFD en septembre vise à remédier à cette situation, puisqu'il doit devenir l'équivalent pour la biodiversité du Groupe de travail sur l'information financière relative au climat (TCFD), qui aide déjà les investisseurs quant à la manière de traiter la question.

Le lancement de nombreux produits sur mesure dédiés à la biodiversité au cours des dernières années a atténué les plaintes concernant le manque de stratégies adaptées, puisque le nombre d'investisseurs citant ce manque comme un inconvénient est passé de 43 % à 33 %. L'opinion selon laquelle la demande des investisseurs finaux est insuffisante a également perdu du terrain, passant de 46 % à 35 %. En 2022, Robeco a lancé un produit sur mesure, Biodiversity Equities, pour tenter de combler cette lacune du marché.

Ceux qui recherchent des stratégies plus thématiques sont passés de 40 % à 57 %, tandis que ceux qui recherchent des variantes plus favorables à la biodiversité des stratégies d'actions et obligataires existantes sont passés de 30 % à 56 %. Une grande partie de cette dernière demande peut être satisfaite grâce à une sélection plus rigoureuse en matière de biodiversité. Les investisseurs européens ont une préférence plus marquée pour l'exclusion et le désinvestissement des plus mauvais élèves en matière de biodiversité (50 %), tandis que 35 % sont favorables à cette solution au niveau mondial.

Quels sont les principaux défis pour votre organisation quand elle s'efforce de prendre en compte les principes de décarbonisation et de biodiversité dans son portefeuille d'investissement ?

Quels sont les principaux défis pour votre organisation quand elle s'efforce de prendre en compte les principes de décarbonisation et de biodiversité dans son portefeuille d'investissement ?

Un changement climatique plus global

Les résultats sur la biodiversité sont cohérents avec la question centrale de la troisième enquête annuelle : quel est le nombre d'investisseurs pour lesquels le changement climatique est un élément important, voire central, de leur politique d'investissement ? Ce nombre est resté stable à 71 %, ce qui est légèrement inférieur aux 75 % enregistrés en 2022, suite à une multitude de vents contraires. Ce chiffre devrait toutefois passer à 85 % au cours des deux prochaines années.

Cependant, le sentiment a été affecté par un certain nombre de difficultés, avec en tête l'incertitude géopolitique accrue suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Cette situation a accentué les pressions inflationnistes et déclenché une flambée des prix de l'énergie, en particulier en Europe, ce qui a conduit certains investisseurs à modérer leurs efforts en faveur de la durabilité comme l'abandon des combustibles fossiles à court terme.

Lisez l’intégralité de l’enquête ici